Pas déçus, depuis le temps qu’on l’attend, qu’on l’espère à coups de vidéos, qu’on en reparle à demi-mots sur fonds d’improvisations live aux sonorités déjà impressionnantes, de pouvoir enfin poser une oreille sur ce premier véritable album du duo slovène présenté dans nos pages depuis un an déjà comme le héraut d’un harsh noise aventureux et ambitieux, nourri aux élans vintage de la kosmische musik et au futurisme de l’IDM. Alors, verdict ?

D’emblée, les averses d’échardes digitales, orages larsenisants et autres déluges de bruit blanc apparaissent plus parcimonieux, au sein de morceaux dont les parts de composition et d’improvisation s’équilibrent à la perfection. Mêlant vortex harsh, synthés presque planants, modulations analogiques et pulsations minimalistes, 414 nous immerge ainsi dans un véritable film d’anticipation sans images, BO d’une apocalypse post-numérique que Neven M. Agalma (Dodecahedragraph, Cadlag) et Domen Učakar (Icarus Down, Neon Spektra) imaginent peuplée de matrices en révolte corrodant leur prison de silice (Cyto Ratio) pour contaminer la réalité (Undulipodium).

Intelligences artificielles soudain grisées de liberté (Summer Peach Girl), les machines devenues abstractions volatiles aux pulsions désincarnées élèvent à leur tour des idoles aux dieux du 1 et du 0, prise de pouvoir ésotérique dans un chaos d’impulsions électriques et de fantasmes opiacés. La drogue est synthétique mais ses effets d’euphorie (Hume), de rage (Lauren) et de mélancolie (Blade Runes) sont bien réels et se succèdent jusqu’au vertige. Une schizophrénie qui s’incarne bientôt en voix de la discorde au cœur même des micro-circuits, se muant en plainte convulsive (Discordia) avant que le système entier n’en vienne à perdre les pédales (Crisp Ursa Minor) pour finalement s’effondrer sur lui-même dans un fracas de matière métallique karsherisée à l’acide sulfurique (Outro) :

Beautiful Gas Mask In A Phone