le mardi 9 octobre 2018

C’était mardi dernier au Supersonic de Paris, drôle de choix pour un trio à la musique aussi nébuleuse que celle d’Aidan Baker / Simon Goff / Thor Harris... on le sait bien, le son de la salle aux concerts gratuits de la rue Biscornet manque de dynamique et profite surtout aux groupes très électriques qui lâchent les décibels, d’où une programmation essentiellement rock, post-punk et compagnie.

Qu’à cela ne tienne, 8 ans après ma première approche du Canadien sur scène pour un concert solo entièrement improvisé avec sa seule guitare et une cascade de pédales à effets, il était plus que temps de retenter l’expérience, d’autant plus au regard de l’excellent Noplace lâché par les trois instrumentistes l’an dernier chez Gizeh.

Premier à se lancer ce soir, le duo Satellite, qui fait voyager entre Lille et Troyes son krautrock noisy et neurasthénique, instaure un dialogue guitare/machines prenant place quelque part entre les friches industrielles d’un post-punk fatigué et l’héritage tribal et hypnotique d’un Can exsangue qu’on aurait raboté jusqu’à la moelle à coups de drones abrasifs. Quelques incursions vocales ultra-minimalistes, un son lourd et rêche, des morceaux un poil longs et répétitifs qui assument leur manque de folie mais bénéficieraient tout de même d’un peu plus de contraste, je n’accroche pas vraiment mais ça a le mérite d’être sans concession.


Vient ensuite Contre-Ciel, le nouveau projet de Stéphane Pigneul, sans toge cette fois-ci comme avec Le Réveil des Tropiques présent en ces mêmes lieux trois mois auparavant, mais avec un gros synthé modulaire plein de fils qui dépassent et une guitare sèche. Le set sera au diapason, très fortement improvisé, commençant sur un hurlement doom à partir duquel le Français s’amuse à échafauder une progression sombre et dronesque, avant d’embrayer sur un instrumental plus électro-indus quoique tout aussi magnétique, puis une sorte de folk lancinante et hantée qui le voit délaisser ses machines au profit de la six-cordes et du micro. Enfin, une reprise synthé/voix et plutôt inspirée du bijou névrotique de Bowie I’m Deranged, bien connu des fans de Lost Highway, clôt le set sur une sorte de profession de foi pour ce projet qui s’annonce schizophrénique à souhait et dont on peut déjà découvrir deux enregistrements ici.


C’est donc au tour d’Aidan Baker, qui vient de m’annoncer la venue de Nadja aux Instants Chavirés en février prochain (joie !) pour défendre sur scène le récent et très beau Sonnborner, de rejoindre la scène en compagnie du violoniste et claviériste Simon Goff et du batteur de Swans et Shearwater, Thor Harris, dont les premières interventions rythmiques auprès du Canadien remontent au fureteur The Spectrum of Distraction il y a 6 ans déjà.


Comme je le craignais, l’acoustique sourde et indistincte ne rend pas vraiment justice aux échanges improvisés du trio, mais passé un premier morceau qui mettra pas mal de temps à se construire sur une volée d’arpeggiators déstructurés pour finalement nous embarquer dans une transe rythmique endiablée, les deux suivants font leur petit effet lorsque l’on y prête assez d’attention, de complaintes entêtantes en syncopations presque jazz-rock, de rêveries évanescentes en crescendos martiaux, la guitare de Baker envoyant des volutes de textures opiacées au cerveau tandis que le violon charrie sa mystique et que la batterie structure l’ensemble pour le traduire au corps. Frustrant mais prenant, et visiblement très récréatif pour le groupe, chaque performance étant totalement différente et unique.


Quelques photos supplémentaires :














( RabbitInYourHeadlights )



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