Chaque année c’est la même chose : on potasse la programmation, fait une road map une fois le planning mis en ligne, on a sa playlist d’immanquables... on fait même des exercices physiques pour être certain que la forme soit là ! Pourtant, c’est chaque année la même chose ! On découvre de belles surprises imprévues, on est pris de court par des off venues impromptues et improbables, on court d’un endroit à l’autre à s’en rendre fou, aux sons des différents concerts qui animent les bars... bref, on finit sur les rotules, mais heureux de toute cette frénésie musicale qui anime la ville, avec plus d’une trentaine de concerts vus sur 5 jours.

Et c’est bien ce qui est frustrant : 30 artistes vus sur environ 200 possibles, on en loupe inévitablement. En revanche, rien n’est à redire sur la qualité des shows vus, c’est aussi ça la magie des Airwaves : on trouve forcément du bon son à se mettre dans les oreilles.
IRM revient sur cette édition en distribuant ses awards.

Prix de la mise en bouche parfaite : BSÍ - Skúli Craft Bar (07/11/2018)


C’était le concert idéal pour lancer le festival : du fun, du pep’s et un lieu bien cool ! BSÍ est vraiment le duo rock du moment qui me branche le plus. Que ce soit sur leur EP (dont on parlait récemment) ou en live, leur musique est exaltante. C’est un vrai condensé des 90’s avec son panel de références évidentes mais que les deux comparses parviennent à s’approprier afin de créer un environnement bien à eux, non dénué d’humour (Bú On You en étant l’exemple par excellence !). Aussi, on notera la géniale relecture du célèbre Wannabe des Spice Girls (qu’on n’aurait jamais cru mentionner dans nos pages un jour), où seules la ligne de basse et les paroles ont survécu à la version originale. Et le tout, dans une bonne humeur contagieuse, on ne pourrait rêver mieux pour entrer dans l’ambiance des Airwaves !




Prix du bizarre : Madonna + Child - Bryggjan Brugghús (07/11/2018)


C’était pour moi non négociable de ne pas manquer ce duo à la fois flippant et attachant (si, si !). Madonna + Child, qui se présentent comme deux sœurs démoniaques, se sont présentées sur scène, façon infirmières cachées derrière un masque ninja, et entourées de petits animaux tout mignons. Ne me demandez pas pourquoi, j’ai eu la sensation de me retrouver dans une scène de Kill Bill. Côté musique, c’est tout ou rien : soit vous serez totalement happé par cet univers épuré à l’humour noir, soit vous y serez complètement hermétique. Accompagnée de synthés cheap, de leur ordinateur, d’un xylophone, de cloches tibétaines, et même d’un Kiki qui parle (!), leur darkwave minimaliste est autant à écouter qu’à voir.
Toutefois, quoi que l’on puisse penser de leur EP, All Around U, sorti l’an dernier, les voir en concert reste une expérience tout à fait... unique !



Prix de la révélation : Ingibjörg Turchi - Bryggjan Brugghús (07/11/2018)


Jusqu’à quelques semaines avant le festival, j’ignorais le travail en solo d’Ingibjörg Turchi, que nous connaissions par ailleurs pour avoir été la bassiste de Rökkurro. Et surtout, je n’avais entendu aucune composition ou presque avant ce concert. Accompagnée de deux guitaristes, un batteur et un saxophoniste, on a eu droit à un set à couper le souffle. De la première à la dernière note, pendant un laps de temps que je ne saurais mesurer tant nous avions atteint une autre dimension, le quintet a su garder en haleine un public hypnotisé grâce à son ambient mélodique parfois teintée de free-jazz et à la virtuosité des musiciens. Il nous aura d’ailleurs fallu plusieurs secondes de silence complet avant de réaliser que le concert était (déjà) fini et de réserver une véritable standing-ovation à Ingibjörg Turchi et ses acolytes, tous visiblement surpris et émus d’un tel accueil.
Alors, si vous regrettez d’avoir manqué cet évènement, vous pouvez très vite vous rattraper grâce à son premier album, Wood/Work, sorti il y a plus d’un an et malheureusement passé inaperçu.
Absolument magistral, sur scène comme sur disque !

Prix de la confirmation : Kaelan Mikla - Iðnó (07/11/2018)


Avec une renommée qui a explosé ces derniers mois, Kaelan Mikla faisait clairement office de tête d’affiche cette année, et le public qui s’est pressé à Iðnó pour assister à cette prestation ne s’est pas trompé : tous les ingrédients étaient présents pour passer un moment absolument fou, d’autant plus que le trio présentait les morceaux de son troisième album, Nótt Eftir Nótt, sortant quelques jours plus tard. Après l’atmosphère feutrée des premiers concerts de la journée, l’ambiance était plus festive, malgré les côtés sombres de la musique, et accompagnée d’un mysticisme latent (bien aidé par la salle, il faut le dire).

Le verdict est d’ailleurs sans appel : les anciens titres sont toujours aussi efficaces tandis que les nouveaux s’avèrent absolument sublimes - ce que l’écoute de l’album nous a d’ailleurs confirmé.

Prix du meilleur line-up : Offað Venue - Port Gallery (08/11/2018)


Et oui, c’est une off venue, même pas officielle, qui plus est. Pourtant, de l’esprit artistique à la qualité des concerts proposés, c’est bien cette soirée là qui mérite le prix du meilleur line-up ! A partir de 17 heures, se sont enchaînés les artistes locaux, de la jeune pousse aux confirmés, laissant à chacun libre-cours à sa créativité. Oui, c’est bien ici qu’il fallait être pour retrouver l’esprit du festival, qui s’est quelque peu délité au fil du temps, quoiqu’on en dise.
Et ça commençait fort avec Ísidor, jeune musicien créant un set électronique en s’aidant parfois de son ukulélé, avec une utilisation très personnelle de l’instrument (voir photo). Ensuite, toujours dans une veine électronique, il y a eu Andi. La soirée était lancée, et au plus elle avançait, on plus on se demandait comment on allait pouvoir se dédoubler pour aller faire un tour du côté du On...
Car là, tout de suite, on avait droit à Sóley Stefánsdóttir qui accompagnait dans un drone ambiant l’artiste Samantha Shay. C’était court mais intense, et surtout très intéressant d’entendre Sóley dans un registre différent de celui auquel elle nous avait habitués - mis à part sur son dernier EP Harmóník, malheureusement passé inaperçu. Le duo fit ensuite place à un trio : Áslaug Magnúsdóttir, Einar Helgason et Jonathan Ludvigsen. Les deux "bidouilleurs" et le batteur ont créé une musique électronique aux accents free jazz, les impros de batterie aidant.
Et puis venait ZAAR pour un set solo. Nous en reparlerons plus bas, mais comment ne pas mentionner son magnifique et bouleversant You Don’t Know ? Enfin, ou presque, avant une incartade du côté de Gaukurinn, il ne fallait absolument pas rater IDK IDA, qu’on ne présente plus ici. Depuis mars, la Danoise a élargi son panel en nous proposant une ouverture noisy, voire drone, à son set, nous rappelant, si cela était nécessaire, ses talents de musicienne.

A ce moment là, il faut bien avouer que c’était à contrecœur que je quittais cette petite galerie d’art, loupant notamment les géniales Bára Gísladóttir ou Ásta Fanney... mais c’était pour mieux revenir et assister à la prestation de Sólveig Matthildur, dont le prochain album promet le meilleur, toujours dans cette même veine post darkwave, avec, cette fois, des paroles en anglais.

Prix des moins de 18 ans : Gróa - Gaukurinn (08/11/2018)


Malgré la super soirée off, j’avais envie de jeter une oreille sur le set de Gróa, découvert l’an dernier et qui a sorti son premier album au printemps. On peut dire que le trio n’a rien perdu de sa fraîcheur mais a, en plus, gagné en consistance. Si, sur album, la production amène un rendu plutôt lisse, on se retrouve en live avec un gros son post-punk qui ne serait pas sans rappeler les débuts de Mammút tant dans l’énergie que dans les intentions.
Mais surtout, elles n’ont pas chômé avec de nouveaux titres à présenter au public, dont on ne peut que remarquer la recherche et la volonté de ne pas se complaire dans la simplicité. On ne prendra pas trop de risques en disant que ce groupe, prometteur, a le talent pour aller loin.



Prix de l’artiste à suivre absolument : ZAAR - Gaukurinn (08/11/2018)


Vue trois fois lors de cette édition, en solo et en trio, comme ce soir-là à Gaukurinn. On peut d’ailleurs saluer la performance de ces artistes qui enchaînent les concerts en à peine quelques heures d’intervalle, comme ce fut le cas pour ZAAR qui, plus tôt dans la soirée, nous avait gratifiés d’un set solo intimiste et absolument magistral, jouant en direct avec ses loops vocaux et accompagnée de son clavier et d’une drum machine. La maîtrise, tant dans le chant que dans la manipulation des sons, est totale et c’est avec impatience qu’on attend le début d’année prochaine, qui nous apportera la première sortie de la Danoise en solo.
Car à Gaukurinn, la configuration était quelque peu différente puisque Sara Flindt, toujours derrière ses machines et au chant, était accompagnée de Bjarke Amdrup aux synthés et de Jonathan Ludvigsen à la batterie. Autant le dire, la maîtrise était toujours là, et à tous les niveaux ! Le trio a littéralement mis le feu avec son électro déstructurée, lyrique et sensible.
Vivement 2019, donc !

Prix de la (très) grosse ambiance : Fufanu / MAMMÚT / Agent Fresco / The Voidz / Hatari - Gamla Bíó (09/11/2018)


Arrivée juste après Between Mountains, qui ouvrait la soirée, et je ne m’attendais pas à voir le théâtre de Reykjavík déjà bien plein. D’ailleurs il ne fallait rien de moins que Gamla Bíó pour accueillir une telle soirée car, il faut bien le dire, les cinq groupes qui suivaient pouvaient chacun prétendre au statut de tête d’affiche ! J’ai quand même pu me faufiler jusqu’aux premiers rangs, à temps pour Fufanu. Bêtes de scène, le ton était donné pour le reste de la soirée. Le trio, qui a sorti Sports en 2017 et, plus récemment The Dialogue Series, d’abord paru via trois EP distincts, sait donner une dimension supplémentaire à sa musique, pourtant déjà bien chargée en énergie.
MAMMÚT aura eu fort à faire en enchaînant, mais cela aurait été mal connaître le quintet que de douter de sa capacité à relever ce défi. Chacun des membres est un spectacle à lui tout seul, avec Katrína qui captive l’auditoire par sa seule présence. Le groupe a joué quasi-intégralement son dernier album, Kinder Versions, laissant malheureusement de côté ses titres en islandais, côté international du festival oblige. Tant pis, on se rattrapera une prochaine fois.

Sans avoir vu le temps passer, d’autres "vétérans" du festival montaient sur scène : Agent Fresco, visiblement heureux d’être là - mais qui ne l’était pas ce soir ? Le math-rock lyrique a en tout cas envahi chaque recoin de la salle. Je quittais ensuite mon premier rang pour prendre un verre et apprécier la suite de la soirée un peu plus à l’écart de la folie positive qui avait gagné le public pour The Voidz et Hatari, et pour cause : le premier cité est le nouveau groupe formé par Julian Casablancas tandis que le second est la révélation de l’édition 2017 et, s’il reste relativement confidentiel au niveau international, il soulève les foules ici, à Reykjavík avec un mix électro darkwave indus qui prend vie au travers d’une chorégraphie bien rodée et de costumes soignés - et explicites (le groupe n’hésitant pas à se tagger "bondage" sur son Bandcamp).

Prix du line-up post-Airwaves : MSEA Presents : Can’t think just feel - Loft Hostel (11/11/2018)


Le dimanche est arrivé, le festival était fini - cette année il n’a duré "que" quatre jours, mais pourtant, la ville restait habitée par cette ambiance musicale, et ce n’était pas les off-venues qui manquaient mais c’est au Loft Hostel que je décidai d’aller, avec un line-up particulièrement alléchant présenté par MSEA. Le cadre du Loft, avec son ambiance cosy et son rooftop, tout comme la programmation hétéroclite, étaient parfaits pour buller après une gueule de bois post-festival.

L’après-midi débutait donc avec MSEA via un set électro-pop / ambient, mis en images par DVDJ NNS. Venaient ensuite la darkwave du duo Holdgervlar, la pop atmosphérique de Berghaim et le hip hop de Holy Hrafn. La soirée se terminait enfin avec les sets des Danoises IDK IDA et ZAAR, dont on a parlé plus haut mais dont on ne se lasse pourtant pas.
C’était donc l’occasion idéale pour découvrir ou redécouvrir les artistes de la scène locale dont la richesse laisse admiratif.

Le festival se terminait finalement dans Kaffibarinn qui débordait, pour écouter, à défaut de pouvoir regarder, FM Belfast, dans une ambiance absolument géniale !
Comme chaque année, les Iceland Airwaves constituent une formidable expérience pour les mélomanes, qu’ils soient curieux ou non. On ne pourrait que vous conseiller de tenter l’aventure une fois dans votre vie !

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