1. Peplum
2. Seis Seis Seis Condor
3. Aloha Miami
4. Sick Palm Dub
5. Mein Schatz
6. South African Youth Of Africa
7. Power Of Signs
8. Milk By Myself
9. Pure Reagge Night
10. Satan
11. Out Of Eyes
12. Reagge 4

Sortie le vendredi 5 février 2021

Réédition du Morbido de The Dreams (2011), disque étrange et (faussement) sautillant qui donne l’impression d’avoir voulu relocaliser Metz et Strasbourg dans les Caraïbes : c’est déviant mais surtout, très réussi.

Nouvelle sortie Replica Nova, subdivision de Replica Records spécialisée dans la réédition de disques pas si vieux mais toujours essentiels. Celui qui nous intéresse ici date de 2011, pas vraiment l’Antiquité même à l’heure des Internets conquérants qui ont cette foutue tendance à appuyer trop fort sur l’accélérateur. Pas si vieux donc mais orné du vénérable (ou inénarrable) logo de la Grande Triple Alliance Internationale de l’Est, nébuleuse artistique passionnante et impossible à cerner dont sont issus pas mal de disques disséminés dans mes étagères et probablement dans les vôtres aussi.
Un réédition d’un truc certes confidentiel mais encore trouvable aujourd’hui (à des prix néanmoins prohibitifs pour qui cherche le vinyle estampillé Kill Shaman), pour quoi faire ? C’est simple, The Dreams et son premier véritable (et seul) album, Morbido, happent immédiatement. Impossible - et c’est tant mieux - d’identifier ce que l’on y entend. On dirait du reggae à la Slits, fortement exploratoire, mêlé de proto-indus, de post-punk et dub affligés, invariablement étrange voire drastiquement sinistre. C’était déjà surprenant en 2011 et ça l’est encore aujourd’hui, il est donc très intéressant (et obligatoire) de le remettre sur les devants pour qui serait passé à côté (ce qui est mon cas).
The Dreams réunit Armelle et Nafi (qu’on ne présentera pas au risque de multiplier les lignes devant leurs impressionnants CV) et on identifie une sorte de pulsion de mort tout au long de ces douze titres, un truc destructeur mais caché qui incurve leur course et la rend brinquebalante et patraque. Ça pourrait être risible si ça ne faisait pas pleurer. En permanence saisissants, les morceaux s’enchaînent et dévoilent de multiples facettes, font grincer des dents aussi sûrement qu’ils se calent dans l’encéphale. La guitare fait dong-dong, les proto-percussions, poum-poum, elles sont agrémentées de nappes moribondes et de quelques effets judicieusement disséminés ici et là et par-dessus, Armelle balance ses invectives comme une Nico hallucinée, parfois rejointe par Nafi qui reste lui dans un registre plutôt morne. L’ensemble sonne invariablement exténué, vitreux, au ralenti et constitue un genre de boule à facettes renvoyant des reflets catadioptres vraiment glauques.


Pourtant, rien à faire, ça s’inscrit insidieusement sous la peau pour creuser mille galeries pourrissantes et ça délocalise les neurones dans un entre-deux indéterminé où le soleil de plomb carbonise tout, brunissant les émotions, torréfiant les mélodies. Un drôle de truc balançant quelques bouées auxquelles on peut quand même se raccrocher (Aloha Miami ou Mein Schatz par exemple) mais immédiatement accompagnées d’une grosse enclume (Sick Palm Dub ou encore South African Youth Of Africa), envoyant au bout du bout toutes les idées un tant soit peu positives par le fond.
Impossible de résister, on se sent immédiatement très bien dans le disque on se sent immédiatement très bien de ne pas se sentir si bien dans le disque.
Il y a d’abord ce côté tribal qui donne parfois l’impression de surprendre The Dreams en pleine incantation au beau milieu de la jungle (messine ?) : Peplum ou Milk By Myself et sa flûte flinguée (ainsi que la saisissante pochette) ne trompent pas quant au potentiel hautement mystique de Morbido. Il y a aussi quelques macarenas disloquées, vraies totentanz étranges et affligées : Seis Seis Seis Condor, Aloha Miami, Power Of Signs ou Satan. Puis des tentatives de ce que l’on nommera (avec le duo qui préfère néanmoins intervertir les lettres) prudemment "reggae" avec toutes les précautions d’usage : Pure Reagge Night ou Reagge 4. Ça chaloupe dans les bunkers. Un poil de post-punk avec Mein Schatz ou Out Of Eyes et puis, pour finir, quelques (grosses) pincées d’étrangeté comme Sick Palm Dub portant très bien son nom (qui a convoqué des images de L’Exorciste dans mon cerveau sans que je ne lui demande quoi que ce soit) ou South African Youth Of Africa.
C’est un carton plein parce qu’au final, tout cela construit une identité, un disque auquel on ne comprend pas tout mais d’une grande évidence. Difficile de savoir ce que The Dreams avaient en tête lorsqu’ils ont élaboré ces morceaux (hommage ? fuite ? explorations ?) mais on identifie en revanche très bien ce que ça produit dans la nôtre : l’addiction. Immédiate et sans appel.
Une nouvelle fois, Replica Nova frappe fort (après Ich Bin et Band Of Susans) et on lui sait gré de rappeler à nos bons souvenirs des indispensables qui ont toujours été là, dans notre boite crânienne, sans que l’on n’ait jamais su qu’ils y étaient.


Acheter chez Amazon.fr

Beautiful Gas Mask In A Phone