1. Be Patient
2. Empty Skies
3. So Many Things (To Feel Guilty About)
4. Blabber
5. We Can Can We
6. Flux
7. Connected
8. Beginning
9. Silent

Sortie le vendredi 2 juillet 2021

We’re OK. But We’re Lost Anyway. est le nouvel album d’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp et il est tout simplement magnifique.

Oui oui, on n’est pas en avance mais peu importe, je crois être du coup en mesure d’écrire que le disque a eu le temps de se déployer dans toutes ses dimensions et elles sont nombreuses. C’est bien simple, We’re OK. But We’re Lost Anyway., nouvel album de l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp dans sa version quasi-XXL est un enchantement. Il se situe dans l’exacte lignée de son prédécesseur, l’inusable Sauvage Formes, tout en correspondant pile-poil à son titre et en insufflant donc une forme de fatalisme fatigué qui correspond bien à notre monde nouveau de plus en plus faisandé.
On y trouve pas mal de paradoxes qui exacerbent les traits originels de l’Orchestre, appuyant sur son côté foisonnant tout en mettant bien en avant ses atours ténus : c’est recroquevillé mais ample, ils sont nombreux mais sonnent comme s’ils ne l’étaient pas et si on les reconnait immédiatement, on se rend compte qu’il y a encore beaucoup de voies nouvelles à explorer.
Ce qui frappe d’emblée, c’est l’arrière-plan infiniment travaillé et ciselé, le charivari percussif, les cordes élégantes, les chœurs et les cuivres qui insufflent une force incroyable aux divers morceaux. Le Puissant Marcel Duchamp compte douze membres (et quelques renforts) qui jamais ne se marchent sur les pieds : le nombre n’est pas dévolu à la puissance, il l’est à la nuance et même si l’espace qui lui est laissé est forcément restreint, le silence s’invite souvent dans l’équation (jusqu’à lui dédier un titre superbe en fin d’album), décuplant la force de chaque instrument. Le marimba tintinnabule follement, la contrebasse résonne gravement, les cordes extirpent des larmes amères, les cuivres, des sanglots, la guitare se fait discrète mais n’en reste pas moins déterminante et la voix, plus que jamais, transporte : encore une fois, un enchantement.
Ce qui frappe aussi, c’est le côté inquiet de We’re OK. But We’re Lost Anyway. qui néanmoins n’entame jamais la grande énergie du collectif. Ici, on ne s’apitoie pas, on ne se regarde pas le nombril, on n’est pas triste d’être triste et si jamais on l’est, c’est qu’on y est forcé. On peut être d’humeur maussade, légèrement interdit mais pas question de capituler. Les neuf titres défilent et nous empoignent par les tripes, colonisent l’encéphale et provoquent beaucoup. On aime passer du temps avec eux, concerné, transporté et complètement raccord avec leur beauté inquiète.


Ça commence par le tapis de cordes bourdonnant de Be Patient : le violoncelle insuffle un rythme, les percussions se greffent à l’ossature et les cuivres résonnent comme une conque marine. C’est assez fantasmagorique, un peu comme si tout ce petit monde, à tour de rôle, s’additionnait aux autres. La voix de Liz Moscarola est lointaine et exténuée, elle semble dialoguer avec les instruments et ça imprime une coloration au disque, une sorte de ciel de traine vraiment prenant. Vite battu en brèche toutefois par Empty Skies, bloqué sur un hoquet strident, plus prototypique de l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp et rompant avec l’entame pluvieuse. Ensuite, les autres titres se rapprocheront tantôt de l’une ou l’autre de ces deux bornes : sombres (Blabber, Flux ou encore Connected par exemple) ou énergiques (We Can We ou Beginning plus loin), tantôt « lost » ou « OK » voire les deux en même temps (So Many Things (To Feel Guilty About)).
Et puis, à l’instar de la musique, les textes sont eux aussi finement travaillés et particulièrement lucides, pointant toute l’absurdité du capitalisme conquérant, le désappointement découlant d’une époque qui semble plus que jamais en sursis, les raisons d’être en colère, d’être triste, de se sentir coupable, de ne pas rendre les armes ou de rêver. Il en résulte un flux protéiforme qui emprunte toujours autant à tout un tas de choses mais qu’ils sont bien les seuls à maîtriser ainsi, insufflant force mélancolie dans le nerf, des moments de pure apesanteur dans une ossature par ailleurs foisonnante, le tout avec une incroyable fluidité qui préserve en permanence leur groove ample et ouvert aux quatre vents.
Inutile de détailler les morceaux, ils sont tous remarquables, renfermant moult détails et démontrant en permanence tout ce qu’il y a à gagner à s’appuyer sur le collectif. L’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, quelque part, c’est de la politique en actes bien plus qu’une réunion de doux rêveurs et We’re OK. But We’re Lost Anyway. avec sa très graphique et parfaite pochette n’est rien de moins que son manifeste.
Et avec eux, la politique est belle.


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