Pas question ici de prétendre au meilleur de quoi que ce soit, ou à cette illusoire universalité qui sert d’excuse au conformisme ambiant : nombre de ces albums ne vous parleront pas mais certains pourraient contribuer à changer votre vie, et si c’est le cas pour ne serait-ce que l’un d’entre eux, l’exercice n’aura pas été vain. Avec un peu de recul, voici donc au gré d’une série de 7 articles mes 250 LPs préférés des années 2010, avec pour seule contrainte un album par artiste ou projet.

Précédemment : < Part 1/7 > < Part 2/7 > < Part 3/7 > < Part 4/7 >



Mes albums préférés des 10s - #60 à #41



60. Scorn - Refuse ; Start Fires (2010)

"Il aura fallu 20 ans à Mick Harris pour trouver au projet Scorn un label sur lequel ne dépareillerait pas son dub pesant, glacial et saturé. C’est désormais chose du côté d’Ohm Resistance où l’ex Napalm Death et Painkiller retrouve ses vieux potes Bill Laswell et Justin Broadrick, et le Refuse ; Start Fires livré pour l’occasion est à la hauteur de nos pires cauchemars : près d’une heure en apnée dans les méandres ténébreuses d’un cerveau reptilien animé des pires intentions, le genre de trip qu’on oublie pas de sitôt."

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59. Erik K Skodvin - Flame (2014)

"C’est sur Sonic Pieces, label cousin de sa propre écurie Miasmah, qu’Erik Knive Skodvin (Svarte Greiner, Deaf Center) creuse ici le sillon acoustique lugubre et capiteux de son fabuleux Flare de 2010. Avec Flame néanmoins, la tension feutrée de l’opus précédent est forcément destinée à finir brûlée par les deux bouts, et si les caresses équivoques de la clarinette de Gareth Davis sur l’intense Corrin Den, le piano anxieux de Shining, Burning ou le fatalisme entêtant des cordes d’Anne Müller et Mika Posen sur le funeste Reflecting sont autant de signes de la consomption à venir, c’est le Norvégien lui-même qui allume la mèche sur l’enchaînement du morceau-titre et d’un impressionnant Red Box Curves où guitares slide habitées et percussions de funambule alimentent un crescendo incandescent qui ne laissera plus que scories et friches désertées."

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58. Architrav - Marode (2013)

"Impossible de trouver la moindre chronique de Marode, troisième opus - et second sur son label Halbsicht - du projet dark ambient de Michael Belletz, plus connu pour ses incursions électroniques en tant que Mnemonic. De cet aspect du travail de l’Allemand, on se souvient surtout de l’élégant Hörsinn dont les beats crunchy et les mélodies de claviers éthérées traînaient en 2010 leur spleen clair-obscur aux confins de l’hypnose et du rêve éveillé, davantage en tout cas que du plus récent The Air I Breathe qui vit ce bel équilibre basculer dans un trop-plein de romantisme et des schémas rythmiques un peu bateaux.
Des maux qui ne risquent pas de guetter Architrav sur ce Marode cryptique à souhait dont les trois pistes-fleuves oscillent entre drone rampant et modern classical déliquescent, autant dire à l’autre bout du spectre de l’IDM aérienne de Mnemonic. Et des spectres, on en croise plus d’un entre les tâtonnements atonals du piano et les crins affligés d’un violoncelle aux partitions cornées et jaunies par le temps, les drones sépulcraux et autres grincements de bois mort ou field recordings en putréfaction. Car dès le morceau-titre, les conditions sont réunies pour que se déversent des crevasses de cette vieille bâtisse les émanations diffuses de quelque purgatoire à ciel ouvert, ectoplasmes lancinants dont les exhalaisons vocales et le halo radiant nous attirent peu à peu dans cet improbable passage vers l’au-delà."

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57. Dakota Suite, Dag Rosenqvist & Emanuele Errante - What Matters Most (2018)

"7 années après The North Green Down dédié alors à sa belle-sœur emportée par la maladie, l’Anglais Chris Hooson retrouve le claviériste et musicien électro-acoustique italien Emanuele Errante (Elem) pour de nouveau rendre hommage à une femme : son épouse Joahanna, clarinettiste sur ce What Matters Most et à laquelle le disque adresse cette gratitude d’être aimé et soutenu par quelqu’un qui nous comprend et nous accepte ("you hold me closer despite of these things that i do" sur le douloureux cf. Shadows Are More Accurate Than Truth).
Nouveau venu dans la galaxie Dakota Suite, le Suédois Dag Rosenqvist de From the Mouth of the Sun et feu Jasper TX complète le line-up. Chacun apporte un peu de soi, énormément même dans le cas du Britannique sur des complaintes slowcore acoustiques aussi ferventes et dépouillées que Now That You Know ou Falling Apart in Stages.
Plus présents avec leurs drones grondants et synthés vaporeux sur le jazzy De Ziekte Van Emile ou le final ascensionnel Someday This Pain Will Be Useful To You aux chœurs féminins éthérés, Errante et Rosenqvist tirent quelque peu l’album vers l’ambient expérimentale sans rien lui retirer de son lyrisme tristounet ni de sa profonde émotion mélodique, faisant de What Matters Most le disque fédérateur par excellence entre amateurs de songwriting poignant et d’explorations sonores plus poussées."

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56. Fuji Kureta - See-Through (2011)

"Là où l’EP Sweets prenait bien soin de ne pas déborder de son cadre chill-out, ce premier véritable opus accentue d’emblée les contrastes, entre programmations rêveuses et beats oppressants, vocalises innocentes et distorsions inquiétantes, nappes planantes et emballements épiques, abstractions futuristes et gimmicks acid house tout droit repêchés des 90’s. Contraste également entre le groove subtilement arythmique instauré par Sahin et le lyrisme de Deniz dont le chant se fait cette fois nettement plus expressif tout en demeurant à la frontière de l’atonalité sur Finis-terre, chanson francophile que l’on pourrait voir comme un clin d’oeil aux Anglais Saint Etienne si d’autres influences ne s’imposaient ici de façon bien plus évidente.
Imaginez donc Björk composant Debut à l’ère du label Tympanik Audio et de la bass music, Lali Puna produits par Plaid ou un Lamb qui aurait vu Lou Rhodes s’associer à Squarepusher au lieu d’Andy Barlow, et vous aurez déjà une petite idée du résultat, tant musical que vocal d’ailleurs puisque le chant se fait ici prépondérant, véritable repère organique dont les acrobaties paradoxalement désarmantes de naturel nous guident au fil (d’Ariane) des circonvolutions électroniques avec un aplomb constant et rassurant."

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55. Gnaw Their Tongues - Genocidal Majesty (2018)

"Projet phare du Hollandais Maurice de Jong/Mories aux multiples alias, Gnaw Their Tongues n’en finit pas de faire honneur à son nom avec des albums aussi glauques et malaisants que ce Genocidal Majesty, distordant plus encore que son prédécesseur Hymns for the Broken, Swollen and Silent les frontières du black metal qui l’a vu naître à coups d’incursions indus/noise dès l’entame crépitante et martelée Death Leaves the World au grunt rageur et venimeux (quoique moins impressionnante qu’espérée, cette collaboration avec Crowhurst a laissé des traces), tandis que Spirits Broken By Swords avec Chip King de The Body aux beuglantes suppliciées flirte avec le drone et l’ambient dans une tempête de bourdons oppressants et de dissonances angoissantes. Et lorsque Mories revient au metal aussi funeste qu’impétueux qu’on lui connaît comme sur le morceau-titre ou Ten Bodies Hanging, la densité abrasive des flots d’échardes texturés s’en échappant en gerbes tailladantes et la tension mortifère qui s’en dégage sont tout simplement écrasantes."


54. Hochzeitskapelle - If I Think of Love (2019)

"L’album qui a le plus tourné sur ma platine en cette année 2019, on le doit aux frères Acher de The Notwist et à leur petite troupe de folk triste aux penchants balkaniques, en tête desquels le tromboniste Mathias Götz (aka Le Millipede) des passionnants Alien Ensemble signés sur le label des sus-nommés. Comment ce groupe, avec ses reprises instru crève-cœur de classiques d’Elliott Smith, de BOs de Philippe Sarde (le plombant Chanson d’Hélène) ou de Michel Legrand (Windmills of your Mind et son bandonéon poignant en intro), d’OP8 (le morceau-titre, invraisemblable de douceur et de réconfort), du Nightingale de Laura Veirs encore plus beau que l’original ou encore d’Anohito, extrait du second Spirit Fest (qui réunissaient les Notwist justement et leurs compagnons japonnais Tenniscoats) d’un lyrisme ici proprement désarmant dans cette version violoneuse au crescendo subtil mais saisissant, a-t-il pu passer à ce point inaperçu depuis deux disques ? Même les incursions sud-américaines, haïtiennes ou équatoriales plus légères des irrésistibles Sonido Amazónico, Voodoo ou En Afrique contribuent au charme intemporel et à l’équilibre des émotions de ce bijou à découvrir de toute urgence."


53. Kid606 - Songs About Fucking Steve Albini (2010)

"Plus réputé pour les crises d’épilepsie chaotiques et autres crissements métalliques d’un Down With The Scene passé à la postérité breakcore, ou pour ses incursions plus ou moins détraquées dans la techno, la house ou l’IDM, on oublie trop souvent que Miguel Trost Depedro sait aussi exceller dans l’ambient - citons notamment le méditatif et glitchy PS I Love You ou les drones analogiques d’un GQ On The EQ++ qui combinait dès 2001 toutes ces influences avec un sens surprenant de la mesure compte-tenu du background radicalement noisy du bonhomme.
Ainsi quand le Kid de San Francisco, toujours paradoxalement féru de culture pop, rend hommage au Big Black de Steve Albini ou à Lou Reed avec l’irrévérence qu’on lui connait, on sait bien que l’album n’aura évidemment rien à voir avec l’univers des uns ou de l’autre, mais pas pour autant où le natif de Caracas a décidé de nous emmener. Et en l’occurrence beaucoup seront restés sur le bord de la route, fans de la première heure comme néophytes d’ailleurs, à l’écoute de ces interminables vagues de modulations parasites aux enchevêtrements faussement aléatoires, nappes songeuses de textures denses et sans cesse en mouvement prenant pour matériaux de base synthétiseurs analogiques et samples radiophoniques de voix humaines, orchestres ou autres sons divers transformés en drones, arpèges, blips et percussions hypnotiques (quand il ne s’agit pas de véritables tsunamis de bruit blanc) par le véritable travail de plasticien de l’Américain, certes inhabituellement austère de prime abord mais grouillant d’un infini quasi cosmique de possibilités pour peu d’y abandonner raison et sens."


52. Algernon - Ghost Surveillance (2010)

"Avec ce troisième opus dans la continuité du précédent Familiar Espionage de 2007, c’est un peu comme si le Tortoise de Beacons Of Ancestorship remontait le temps de 15 ans pour dire à celui de Millions Now Living Will Never Die de se lâcher un peu sur l’urgence électrique, le groove saturé ou les polyrythmies, d’oser la liberté du jazz et les digressions électro cosmiques. Pas étonnant à ce train-là que Dave Miller, meneur de ce combo basé tout comme ses pairs et pères à Chicago, soit considéré outre-Atlantique comme l’un des guitaristes les plus prometteurs depuis Jeff Parker, en grande partie responsable du virage abstract-jazz de Tortoise en 2001 avec le génial Standards.
Néanmoins, restreindre l’univers d’Algernon à l’héritage aussi irréductible soit-il des auteurs de TNT serait un raccourci un peu facile. Car la ville de naissance de la house music est aussi celle de Rob Mazurek, et le Chicago Underground Orchestra comme ses avatars successifs (dont le Chicago Underground Duo) ont également laissé des traces sur cette musique située aux confins d’un jazz atmosphérique et d’un post-rock épique."

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51. Francesco Giannico - Les Mondes Imaginaires (2019)

"De la campagne italienne à son rideau d’étoiles et jusque dans la matière même de l’imagination, Les Mondes Imaginaires semble percer le voile de la réalité à mesure que ses sérénades bucoliques déjà malmenées par l’instabilité de la matrice (Primum Mobile) déconstruisent le temps à rebours (Order & Disorder) pour en confronter les secrets dans la fausse quiétude des coulisses de la Création, un lieu hors de portée dont l’étrange magie électro-acoustique aux textures mouvantes semble orchestrer et enchanter par cuivres et chœurs interposés l’Éternité elle-même dans tout son équilibre de candeur et de tragédie (Hyades). Un infini de possibilités que Francesco Giannico façonne avec tous les moyens à sa disposition sur cet album-monde que l’on n’aura certainement jamais tout à fait fini d’explorer."

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50. Angel - Terra Null. (2014)

"A l’inverse de son ancien comparse de Pan Sonic trop souvent tenté par la déconstruction arty façon sound design pour installation d’art contemporain (ce qui ne l’avait pas empêché de surprendre agréablement en 2013 en compagnie de Joaquim Nordwall voire même en solo sur le très bon Kilo), Ilpo Väisänen n’a jamais failli au parfait équilibre entre minimalisme, exploration et puissance d’évocation qui présidait aux plus belles réussites du duo finlandais. Demeurée souterraine - à l’inverse là encore, des travaux d’un Mika Vainio régulièrement mis en avant par ceux qui considèrent encore les expérimentations ostentatoires du label Touch comme la panacée en terme d’ambient -, la trajectoire d’Angel qui associe le Scandinave au guitariste droneux Dirk Dresselhaus ainsi qu’à la violoncelliste et vocaliste Hildur Guðnadóttir (l’une des dernières chez Touch à faire encore de la musique diront les mauvaises langues) témoigne ainsi d’un goût de la narration instrumentale peu coutumier pour les très abstraites Editions Mego.
Terra Null., avec ses landes acoustiques peu à peu ravagées par la froide machinerie de la civilisation industrielle avant que les éléments dans un ultime déluge incandescent ne viennent reprendre leurs droits sur nos cimetières de béton, sonne comme une élégie du Silver Mt. Zion des débuts malmenée par Jasper TX, ode terrassante, toute en cordes plombées, basses fréquences oscillantes et marées de bruit blanc, à l’éternel recommencement de ce cycle d’évolution à l’échelle des planètes devant lequel nous ne sommes rien."


49. Tangents - New Bodies (2018)

"Ce troisième opus de Tangents confirme le petit miracle d’osmose aventureuse du quintette australien, héritiers de Tortoise ou The Necks capables d’irriguer du même souffle libertaire et mélangeur leurs méditations improv jazz aux textures irradiées (Immersion) et leurs épopées post-rock polyrythmiques aux arrangements poignants (Lake George, Swells Under Tito). Épique et feutré (la batterie et les percussions de l’hyperactif Evan Dorrian donnant le ton), vraiment jazz mais vraiment plein d’autres choses aussi (du dub à la folk en passant par la musique contemporaine répétitive à la Steve Reich), foisonnant d’instruments et de sonorités et pourtant d’une clarté sans faille (même sur le nébuleux Oort Cloud qui clôt l’album sur 7 minutes de bouillonnement impressionniste et onirique mené par un piano vibrant, des drones irisés et la guitare cosmique de Shoeb Ahmad), New Bodies est un disque de paradoxes, celui d’un groupe sans contraintes ni attaches qui suit le fil de son inspiration sans se soucier des étiquettes, pour le plus grand plaisir de nos oreilles toujours avides de territoires vierges à explorer."

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48. Diasiva - Doublefade (2016)

Si j’ai finalement fait le choix de recaler Monolog à la première partie de ce bilan, avec le pourtant faramineux Conveyor et d’autres encore qui auraient tous pu prétendre à une place dans le top 50, ça n’est pour rien d’autre que laisser un peu de visibilité méritée à ce projet tout aussi impressionnant et jamais véritablement chroniqué dans nos pages (hormis ici, EP de l’année tout de même) qui associe le Danois au Berlinois Swarm Intelligence et trouve logiquement sa place chez Ohm Resistance, label de Submerged ou du sus-nommé Scorn, pour la radicale éruptivité de son breakcore menaçant, étouffant, presque épuisant pour les non-initiés, la puissance de ses missives aussi atmosphériques que déconstruites, les ténèbres vertigineuses de ce puits de psychoses cyber-organiques et carnassières qui s’insinuent dans les synapses autant que dans les chairs.


47. Jacaszek - Glimmer (2011)

"Telle une étole précieuse recouverte d’une chape de souffle saturé aux craquements poussiéreux, le classical ambient du génie polonais n’avait jamais encore développé de tels contrastes entre la nostalgie délicate des instruments baroques, clavecin et clarinette en tête, et les pics d’intensité des interférences noisy qui semblent vouloir entraîner ce romantisme anachronique dans les limbes d’une histoire révolue. Une fascinante étreinte que l’on voudrait ne jamais voir se terminer."


46. Odd Nosdam - Mirrors (2019)

"Mirrors vient clore tardivement une trilogie stylistique entamée en 2005 avec le chef-d’œuvre Burner. Tout y est, des beats downtempo aux chœurs éthérés en passant par l’esthétique low-end savamment distillée, les percus bricolées et les déferlantes texturées, les morceaux s’enchaînent dans un souffle, alternant nonchalance saturée (Air Up, Tall Wind), lyrisme (stratos)féérique au groove imparable (l’incroyable Cookies, cousin déglingué des merveilleux Untitled Three et Fat Hooks), pesanteur vaporeuse (les 10 minutes de boom bap shoegazé de Mirrors II) et tunnels narcotiques en guise de transitions (Beyond, The Burn), pour s’éteindre à petit feu sur un final rédemptoire au futurisme mystique et feutré."

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45. Tapage - Overgrown (2011)

"Souvent laissé-pour-compte des bilans de fin d’année à l’heure où les amateurs d’IDM atmosphérique et cérébrale n’ont d’yeux que pour Access To Arasaka, le Hollandais Tijs Ham dont on suit déjà avec passion les déambulations au sein de son nouveau netlabel Tapeface livrait pourtant avec Overgrown l’œuvre la plus impressionnante jamais sortie chez Tympanik Audio : un disque où le temps et l’espace se confondent au sein d’un fascinant lacis sonique dont chaque titre éclaire et complète le précédent", un album dont la passionnante luxuriance, entre electronica cristalline et rêveries abrasives, épopées cinématographiques et déconstructions au groove abstrait, urgence polyrythmique et méditations organiques, annonce déjà toute la diversité de ses expériences à venir.


44. From The Mouth Of The Sun - Into The Well (2015)

"Des puissants crescendos de bruit statique pour ballet contemporain de Vowels aux comptines acousmatiques de fin d’hiver de The Forest Diaries, Dag Rosenqvist a œuvré en 2015 dans le plus austère minimalisme, qu’il soit texturé et désincarné ou organique et presque chaleureux aux entournures, à l’instar de son compère Aaron Martin mêlant les deux extrêmes sur le tout aussi épuré A Pulse Passes From Hand To Hand aux flux et reflux instrumentaux néanmoins poignants de mélancolie. De bien beaux disques en somme mais rien qui tienne la dragée haute à leur faramineux Woven Tide de 2012 jusqu’à ce que soit réactivé, enfin, leur projet From The Mouth Of The Sun. Car c’est finalement dans la majesté des arrangements, flirtant avec une certaine luxuriance sans jamais tomber dans l’emphase ou le chantage à l’émotion, que s’épanouissent le mieux les compos crève-cœur de ces deux bons samaritains du classical ambient, percussions tintinnabulantes, pulsations numériques et drones choraux séraphiques soutenant le spleen abyssal des cordes lancinantes et d’un piano d’un autre temps, du moins jusqu’à ce qu’un orgue ne vienne à imposer sa présence solitaire, dominant le final d’un morceau-titre de plus de 11 minutes comme pour mieux rappeler que d’une tragique isolation peut parfois naître la plus sincère des compassions."


43. Gimu - Senses (2017)

Le Brésilien Gimu, assurément l’un de mes musiciens drone/ambient préférés des 10 dernières années, aura étrangement peiné à susciter l’intérêt des labels spécialisés en dépit d’impressionnantes et indéniables réussites telles quOpaque Black, une conséquence peut-être de sa propension justement fascinante à ne pas vouloir choisir entre soundscapes cosmiques et abysses noisy. Heureusement, en 2017, "l’écurie de Tulsa Unknown Tone Records a choisi de défendre le superbe Senses aux vertigineux abîmes de radiations abrasives et d’érosion mélancolique (Worlds Within Worlds, Purer), chœurs de purgatoire (Bygones) et reflux post-indus vaporeux (Light Lilac) s’entremêlant aux maelstroms des nappes de drones granuleux pour évoquer les rivages infinis d’un imaginaire intérieur menacé par les tsunamis de la réalité."


42. Vitor Joaquim - Geography (2016)

"L’album devait sortir courant 2012 chez Kvitnu, il aura finalement fallu quatre ans de plus au Portugais et un retour dans le giron du label Crónica qui publiait 10 ans auparavant son merveilleux Flow pour accoucher de cette ode au déterminisme géographique de nos sociétés et de notre espèce, inspirée par le livre "De l’inégalité parmi les sociétés : Essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire" qui valut à l’évolutionniste américain Jared Diamond le Pulitzer en 98. Musicalement, ce concept de schismes évolutifs forgés par les reliefs et les climats, et l’idée d’une résistance de l’être humain aux limitations de son environnement via la technologie notamment s’illustre par moult collisions vacillantes, entre samples radiophoniques et boucles d’instrumentation glitchée (Geography), microsound abstrait et nappes dark ambient (Cantino), drone organique et lancinances jazzy (Cargo), orchestrations aurorales et crépitements angoissés (le cristallin Domo Arigato, sur lequel Vitor Joaquim malmène une dizaine d’instruments samplés durant ses performances avec des musiciens amis). Un bijou d’architecture sonique en constante mutation."


41. Ævangelist - Enthrall To The Void Of Bliss (2015)

"Complètement malsains et dégénérés comme à l’accoutumée et pourtant capables d’incursions baroques d’une beauté ténébreuse et glacée, les Portlandiens d’Ævangelist libèrent la Bête et déchaînent le jugement dernier sur nos têtes tout en ouvrant leur musique à des horizons toujours plus ambitieux. Exit le jazz malade de l’opus précédent, mais le court Alchemy use ainsi sans complexe de beats électroniques aux allures de battements cardiaques. Fidèle à son ésotérisme malveillant, le groupe n’en oublie pas pour autant les fondamentaux des genres qui l’ont vu naître, et c’est finalement sur le maelstrom de damnés d’une Meditation Of Transcendental Evil que culmine cet équilibre idéal entre jusqu’au-boutisme black bestial et avant-gardisme charnel, les lamentations d’âmes suppliciées que lacèrent une myriade de guitares déglinguées et de lames de bruit blanc laissant place au growl pervers de leurs bourreaux dans un déchaînement de futs martelés et de riffs lancinants, instruments d’un éternel tourment entre les pattes de cette chimère metal sans équivalent."

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