1. Guillotine
2. Fuel Injected Suicide Machine
3. Algeria
4. Jay
5. Bring Back Medieval Plague
6. Tasmanian Tiger (for Nikita)
7. Dick Hunter
8. Fakir
9. Speed Missile
10. Knee Out
11. Raptors Cult

Sortie le vendredi 21 janvier 2022

From Melmac With Hate  ? On ne sait pas trop où habite SALO mais on entend bien sa hargne. Elle traverse l’épiderme et se cale directement dans le ventre. Impressions.

D’emblée, SALO annonce la couleur via la (saisissante) pochette de son fabuleux From Melmac With Hate, premier album paru chez Bigoût Records, bien connu par ici et par là-bas. Ça sera très noir et un peu gris comme la nuit (du Chasseur), sans doute un peu lynchien (tendance Alf) puisque Fire Walk With Me « Melmac Walks With Fire ». Ça sera orange comme le plomb du soleil suspendu dans un ciel bleu sans nuages Casimir au Gloubiboulga amputé d’une syllabe et transformé en dieu canin destructeur.
Au menu : difficile à dire.
C’est très garage (la dynamique écorchée et séminale) mais c’est très noise aussi (les enclumes de la basse). Pas mal punk aux entournures (c’est viscéral et - un peu - ironique). On décèle également quelques effluves swamp (sur le pénultième Knee Out). C’est un mélange à la fois très spontané et très carré mais surtout, parfaitement prenant. Une fois lancé Guillotine, impossible de ne pas aller jusqu’à Raptors Cult, onzième déflagration d’un disque dont l’énergie prend aux tripes et apporte un gros regain de vie quand, alentour, tout est moribond.
SALO est un trio qui vient de Lyon, on y décèle une guitare barbelée (Romano Krang qui s’occupe également de la voix d’hyène étranglée, déjà grand prêtre parmi trois chez Attila Krang ou parmi deux chez Howling Fever), une basse contondante (Charlotte Desigaud) et une batterie maltraitée (Samy Delabre) qui n’aiment rien tant que se lancer dans des cavalcades échevelées qui depuis le point A rejoignent le B sans se préoccuper de bifurcations inutiles (sauf quand ça bifurque furieusement, sur le formidable Tasmanian Tiger (for Nikita) par exemple).
Au menu : du très bon, donc.
Il y a un léger côté monolithique mais vite battu en brèche par la grande variété de l’ensemble : avec les mêmes armes, le trio explore pas mal de possibilités, court le 100 mètres ou piétine méticuleusement le même centimètre carré, construit patiemment ou déboulonne en un clin d’œil, suggère et assène. Il rappelle tout un tas de choses (de Thee Oh Sees aux Hot Snakes en passant par les Wipers pour l’Amérique, The Fall et l’esprit des Country Teasers en embuscade pour l’Angleterre) mais ça n’a pas grande importance parce qu’au final, il ne rappelle rien de particulier. SALO s’inscrit dans une lignée, il ne singe pas et ce faisant, ne ressemble qu’à lui-même.


Ce qui est particulièrement frappant, c’est qu’en dépit d’une telle matière furieuse et bouillonnante, la nuance n’est jamais proscrite. Alors qu’il était si facile de tout balancer dans le rouge en permanence, il y a toujours des enclaves inattendues ou des chemins de traverse qui apparaissent sans crier gare au cœur du chaos, rendant les morceaux bien plus complexes qu’ils ne le suggéraient de prime abord. La répétition forcenée qui mute insidieusement au beau milieu d’Algeria par exemple, les tremolos étranges de la guitare de Jay ou encore l’impression de découvrir un morceau caché dans le morceau (parfaitement divagant par ailleurs) sur Bring Back Medieval Plague (entre autres, il y a des trouvailles un peu partout qui font souvent dresser l’oreille et poussent à reconsidérer le disque en permanence).
Et puis, il y a aussi ce chant dont je ne savais trop quoi penser au départ. Toujours pareil mais toujours différent, singulier, altéré, seul au monde (mais parfois accompagné à de très courts moments), irritant mais encore plus sidérant, fenêtre ouverte sur l’altérité de son auteur et par extension du groupe. Il accompagne idéalement la matière tourbillonnante qui l’entoure, la pousse dans ses retranchements et se laisse pousser par elle dans un va-et-vient qui ne semble jamais s’arrêter. Et tout ça dessine de formidables morceaux : les explosifs Jay et Speed Missile, les distordus Dick Hunter et Raptors Cult, le fou à lier Fakir, les senteurs de Bayou de Knee Out et j’en passe, tous irrigués au sang d’encre torréfié et au caoutchouc brûlé, à l’entropie et à la grande urgence. La captation live - comme le souligne la photographie prise par Hazam au verso - n’est pas étrangère à cette impression définitive, comme si chaque note devait être la dernière.
En face, on déguste mais encore plus, on tombe en pâmoison devant ces onze occurrences qui inscrivent directement SALO en lettres majuscules sous la peau.
Il n’y a rien à dire de plus. Écoutez From Melmac With Hate - fort, en sourdine, où vous voulez, quand vous le souhaitez - mais écoutez-le.

From ici with love.


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