1. This Fun Machine
2. Exploding-Head Syndrome
3. Dasein
4. Glimpse
5. Bones
6. Permanent/Replica
7. Shimmer
8. Quarantine
9. Stockholm Syndrome
10. Satellites

Sortie le vendredi 23 juin 2023

Trois ans qu’on annonçait la sortie de ce Farewell, premier album de Hangwire. Forcément, on en attendait beaucoup. La bonne nouvelle, c’est que c’est encore mieux que ce que l’on pouvait imaginer.

Sortir un album de post-punk en 2023 a-t-il du sens ? La question pourrait se poser pour de nombreux genres (rock, folk, pop, on en passe) et le débat serait sans doute sans fin. Un seul critère, finalement, est apte à trancher de la pertinence d’une telle question : la qualité du songwriting. Et c’est peu dire qu’ici, elle est au rendez-vous. Il faut se souvenir que le gang de Montevideo compte parmi ses rangs les plus fines lames de l’underground uruguayen : au hasard, Federico Texeira à la guitare et Joaquin Brazeiro derrière les fûts. Tous deux ont officié au sein de Skintaker, c’est dire la qualité des messieurs. Surtout, au chant, il y a Andrés D’Souza (Skintaker, encore, mais aussi Velvet Hallucinations & The Furry Animals) et sa voix profonde, hantée, capable de la plus grande douceur (Shimmer, Satellites) mais aussi d’une puissance impressionnante (celles et ceux qui ont écouté Charlie’s First Shape ou Face Of Stone de la formation grunge savent de quoi il est capable). Petit aparté : on n’écrira jamais assez au sujet du génie de cet artiste. Au niveau d’un Ian Curtis ou d’un Jim Morrison. On n’exagère pas. 

Au demeurant, il y a chez Hangwire une osmose particulière : chaque membre du groupe tient sa place avec brio et précision. Aucune des composantes de ce sextet (tout de même !) n’empiète sur le pré carré des cinq autres. De fait, Farewell est d’une cohérence absolue. Et débute sur les chapeaux de roues par un tube imparable : This Fun Machine, single envoyé en poisson pilote quelques semaines avant la sortie de l’album, donne tout de suite le ton. Arpèges cristallins, rythmique implacable et claviers aériens nous catapultent au mitan des années 80, en pleine effervescence new wave. Surtout, il y a la basse de Gaston Leite, élastique, reptilienne ; un rouleau compresseur caoutchouteux qui sert de fil d’Ariane à tout l’album. A elle seule, la quatre-cordes du rythmeur uruguayen mériterait une chronique. Cette formule magique irrigue  Farewell (avec de subtiles variations, bien sûr, ces messieurs ne sont pas du genre à s’endormir sur leurs lauriers) mais sans jamais lasser.


Et les merveilles s’enchaînent. Bones, mid-tempo aux couplets ravageurs, met parfaitement en valeur les atouts du groupe ; le dramatique Permanent/Replica joue des contrastes et mène subtilement sa barque jusqu’à l’explosion du refrain et la ballade Quarantine, comptine lugubre à la beauté renversante, porte un regard désespéré sur les tourments de l’âme et le monde qui nous entoure. Assurément, Farewell ne verse pas dans l’optimisme. C’est un grand album dépressif, tout en hargne rentrée, en rage contenue, teinté de nihilisme. "Existence is the worst thing that happened to me" n’est-il pas le premier vers du refrain de Dasein ? Ce titre, parlons-en. C’est un chef-d’œuvre absolu à l’architecture complexe et à la mélodie limpide. Un titre comme chaque groupe, chaque musicien, rêve d’en écrire une fois dans sa vie. Le genre de morceau qui rend jaloux les haineux et met des étoiles dans les yeux et les oreilles des mélomanes ; le réceptacle parfait pour accueillir, raviver ou graver dans l’éternité les souvenirs d’une période intense de sa vie. 

Avec This Fun Machine, Bones, et Permanent/Replica, Dasein forme un carré d’as à la perfection alchimique. Chacun de ces morceaux honorerait de sa présence les meilleurs albums de Joy Division, de Cure ou de New Order. En dehors de la Sainte Trinité de la new wave, on pense à Wire, Television ou encore aux excellents Psychedelic Furs. Sur Exploding Head Syndrome, le sextet réussit même la prouesse de sonner comme un U2 inspiré qui se serait payé les services d’un bon chanteur. Mais Hangwire sait tout faire et le prouve en sortant des formats et en insufflant une dimension épique à ses compositions (Stockholm Syndrome et ses presque huit minutes). On ajoutera que l’album est superbement produit et qu’il révèle de nouvelles trouvailles au fil des écoutes. 

"If the sun collapses / We’ll be our own light". Ainsi s’achève Farewell . Assurément, la lumière de Hangwire éclaire déjà le paysage musical de 2023 et fait figure de phare pour celles et ceux qui prétendent y contribuer.

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