180 albums, car si la frustration demeure de ne pas en citer 100 ou 150 de plus, c’est là que la césure s’avérait la plus supportable en cette année 2023 riche en pépites sous-médiatisées. 180 disques, car le but d’un bilan annuel, de la part d’une publication musicale quelle qu’elle soit, ne devrait pas revenir à montrer que l’on a sagement écouté la poignée d’albums réchauffés que les faiseurs de mode vendus au mainstream le plus racoleur nous ont prescrits, mais bien à faire découvrir des sorties remarquables passées entre les mailles du filet, et comme les plus curieux le savent, ces dernières ne manquent jamais. 180, donc, pour les 180 degrés qui nous séparent, un peu plus chaque année d’ailleurs, des classements de lemmings absolument imbuvables croisés ici ou là.

Entre immersion, groove et radicalité, cet avant-dernier volet du bilan albums condense peu ou proue tout ce qui constitue mes passions en termes de musiques actuelles : ambient et drone, modern classical, electronica, jazz expérimental, indie rap et hip-hop instru, noise voire harsh noise... et la pop, le rock et autres musiques à guitares dans tout ça ? Eh bien force est de constater que personne cette année ne se classera plus que Yo La Tengo en la matière chez moi (cf. #55 ici), symptôme probablement d’une lassitude grandissante pour les recettes de plus en plus paresseuses du genre, mais plus encore d’une véritable crise de créativité, en particulier parmi les scènes invariablement nostalgiques, hédonistes et passéistes mises en avant chez nos confrères dont la plupart des emballements, de Boygenius et Bar Italia à King Krule et autres Lemon Twigs en passant par les déchus Sufjan Stevens, Slowdive ou The National, m’ont glissé dessus sans laisser de trace, sans parler bien sûr de toutes celles et ceux qui feront les choux gras de ma "shitlist" à venir.




#30. Massaith - 5 · The Razor

Déjà croisé à plusieurs reprises dans ce bilan, le Russe Anatoly Grinberg nous rappelle ici à son side projet le plus radical, résolument bruitiste et cauchemardé puisque dédié aux traumas et tourments intérieurs du musicien connu par ailleurs des amateurs d’electronica pour la facette plus mélodique et cristalline de son alias Tokee. Successeur du diptyque My Inner Demons Speaks (cf. ici et ), The Razor en retrouve sans surprise la dimension anxiogène et cathartique, entre beatmaking dystopique, noise post-industrielle aux incursions harsh et atmosphères caverneuses, mais fait preuve d’une densité et d’une profondeur immersive particulièrement impressionnantes, parvenant à être à la fois terrassant de noirceur abrasive et magnétique (toe, heel) via des crescendos parfois malaisants comme un essaim de créatures numériques sur un cadavre en décomposition (shank, tang), et dans le même temps plus feutré et liquéfié qu’à l’accoutumée, sans beats apparents (edge, face) à l’exception du déluge rythmique dadaïste de l’étrange Jimps, voire dans un esprit plus proche du pur sound design que du dark ambient à proprement parler (spine), dardant sans discontinuer ses harmonies d’antimatière pour mieux nous raser les chairs jusqu’à l’os.


#29. The Cry - The Cry

The Cry, c’est le premier album d’un trio strasbourgeois porté sur l’improvisation et l’avant-garde jazz, mais que l’on devine d’emblée atypique, même dans ce genre d’univers tout sauf balisé, du fait d’une pochette fantomatique aux couleurs psyché évoquant certains artworks krautrock de la grande époque, et surtout de la présence aux ondes Martenot et au piano de Christine Ott, plutôt familière de la musique classique contemporaine et de l’ambient (outre bien sûr les nombreux musiciens qu’elle a accompagnés sur scène ou sur disques aux ondes Martenot, de Radiohead aux Tindersticks en passant par Chapelier Fou). Associée ici à Mathieu Gabry aux claviers/effets et Pierre-Loïc Le Bliguet à la batterie et aux percus, elle s’aventure ainsi dans un jazz ouvertement métissé aux nappes atmosphériques très présentes, qui d’emblée sur le long serpentin Fire of Love, évoluant en crescendos successifs sur plus de 21 minutes, a davantage à voir avec l’univers des Australiens The Necks ou Oren Ambarchi qu’avec le canal historique du genre. Tantôt le piano tient le lead (In My Mind ou le très méditatif Seven Days, tous deux plus ouvertement jazz), tantôt ce sont les ondes Martenot et leurs sonorités proto-électroniques entêtantes et hantées (Chorus Alpha, Evergreen, Ouverture Coda), une dualité qui est pour beaucoup dans la fascination qu’exerce ce disque riche en vibrations mélancoliques ou fantasmagoriques et en circonvolutions mélodiques intrigantes.


#28. Ryuichi Sakamoto - 12

"Après une intro aux synthés clair-obscurs évoquant un sentiment d’éternité, l’album déroule d’abord sur de longs instrumentaux allant de 5 à 9 minutes un classical ambient ample et minimaliste, aux arpèges de piano égrenés avec une lenteur consommée sur fond d’harmonies évanescentes laissant une grande place au silence (mais un "silence" jamais véritablement silencieux, toujours "résonant" comme Sakamoto le décrivait si bien), au point que l’y on entend souvent les respirations saccadées du musicien. En cela, la musique de 12 se révèle dans un premier temps, lorsque l’on est dans les bonnes dispositions, particulièrement touchante et enveloppante sans être pour autant dénuée d’une facette plus sombre et angoissée, à l’image de 20220202 dont les nappes crépusculaires émaillées d’échos de cloches lointaines semblent sonner le glas de la douceur qui précédait. Quant à la fin de disque, du bouleversant 20220302 - sarabande dont l’élégie s’avère d’autant plus terrassante aujourd’hui, jusqu’au point final lourd de regret de 20220404 et de la conclusion 20220304 toute en clochettes fantomatiques, en passant par la fugace tragédie de 20220302 ou les dissonances malaisantes de 20220307, rien ne nous avait préparés à soudain y déceler entre les accords majeurs une telle conscience des dernières heures. Que l’on ne s’y trompe pas, 12 n’avait rien d’un album mineur, il attendait simplement son moment pour laisser, comme son auteur, une trace indélébile dans nos coeurs."

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#27. Chris Weeks - Sunken Measures

"Plus spontané que jamais dans son processus d’enregistrement depuis une paire d’années, que ce soit sous l’alias Kingbastard ou sur l’immense premier album de WEEKS offert à notre netlabel IRM, le Britannique plonge ici dans les grands fonds d’un drone organique et opaque aux textures épaisses et lo-fi, mâtiné d’ambient à guitare et de motifs électroniques. On pense pourquoi pas aux morceaux les plus ambient d’un Labradford, avec ce même clair-obscur immersif loin des canons esthétiques souvent trop léchés du genre aujourd’hui. Sur ce bien-nommé Sunken Measures, la musique vibre et vit, respire et rampe comme un organisme préhistorique qui aurait survécu depuis des millénaires dans une faille océanique."

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#26. Richard Skelton - selenodesy

"selenodesy (en référence à l’étude de la Lune et de ses caractéristiques topologiques ou physiques) évolue quelque part à la croisée d’un drone très magnétique (albedo, fallback) voire rétrofuturiste aux entournures (faint ray systems et ses faux airs du soundtrack de Blade Runner) et d’une ambient mystique et très irradiée dont les contrastes harmoniques percent l’âme (the plot of lunar phases) pour mieux la guérir dans la foulée (isostasy). Nul besoin de trop en dire si ce n’est que le meilleur est encore à venir, notamment avec ce messer gravity d’une ampleur minérale absolument irrésistible qui évoque le meilleur d’Ekca Liena, Ben Chatwin ou même Chris Weeks, et qu’il nous faudra désormais rattraper les trois-quarts d’une discographie qui de Harlassen à The Inward Circles a continué de multiplier les alias ces dernières années pour mieux brouiller les pistes avec une inspiration que l’on ne soupçonnait qu’à moitié il y a 10 ans de cela."

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#25. Ugly Mac Beer - The Valley of the Kings

"Depuis l’horrorcore ascétique aux accents synthétiques sous influence John Carpenter de la collaboration rappée avec Modo (en featuring discret ici sur l’insidieux Ambitious Dream), l’univers musical du Français a pas mal évolué, en témoigne ce petit bijou de hip-hop instru cinématographique entre sampling de storyteller et beatmaking au cordeau, qui évoque rien de moins que Madlib pour les influences moyen-orientales, Capitaine Hadôken pour le goût des samples en français ou même Crookram dans ses moments les plus aériens et lumineux, à l’image du merveilleux Dolce Vita. Textures vintage des boucles, rondeur organiques des drums, épure idéale des basses, atmosphères de bandes originales italiennes des 60s et de "Mille et une nuits", tout concourt à faire de ce disque un petit monument du genre, jusqu’au sommet Les choeurs perdus, capiteux comme cet indépassable joyau, des productions comme on en entend peu sous nos horizons."

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#24. Fliptrix - Mantra No. 9

"Il était grand temps que l’on s’intéresse au leader de The Four Owls dont on n’avait eu l’occasion de vous toucher un mot qu’ici. Fliptrix c’est pourtant une dizaine d’albums en 15 ans, et la quintessence quelque part de ce hip-hop UK qu’on aime, nourri autant au boom bap new-yorkais qu’au sampling rétro et aux sonorités ethniques, au minimalisme post-grime londonien qu’au jazz et à la soul, avec un vrai souffle et ce soupçon de mélancolie qui va bien. Manque le futurisme des compères Strange_U ou Jam Baxter pour faire à lui seul le tour du sujet mais il faut croire que c’est dans les vieux pots que le producteur et MC trouve le miel de ses compos, Mantra No. 9 en fait une nouvelle fois la preuve avec un sens du lyrisme à toute épreuve (From the Source, Get Free, R2D2) et des classiques en puissance tels que le cristallin Eden, un So Clear aux irrésistibles choeurs malmenés ou encore Primordial Soup avec l’excellent Pitch 92 et son boom bap aux samples désuets évoquant Michel Legrand ou feu Burt Bacharach."

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#23. Puce Moment - Epic Ellipses / Ex Situ

On vous avait dit qu’on en parlerait et on aurait voulu y venir un peu plus tôt mais voilà, parfois, les mots manquent et c’est ce qui m’est arrivé avec ces deux sorties "cousines" du duo lillois Puce Moment qu’on avait laissé, après le sommet d’abstraction ambient abrasive Ad Noctum, sur deux projets plus divisifs, lesquels à titre personnel m’avaient moins emballé : d’un côté le conceptuel O​.​R​.​G. entièrement joué à l’orgue de barbarie, et de l’autre Hakken, aux incursions plus ouvertement techno. Avec Epic Ellipses et Ex Situ, sortis à deux mois d’intervalle, l’électronique reprend le dessus et renoue avec une facette de l’univers toujours en mouvement de Nico Devos et Pénélope Michel qui me sied davantage, entre ambient aux contrastes saisissants et aux pulsations massives tirant sur une electronica mi-aérienne mi-caverneuse pour le premier, sorti sur l’éminent label belge Sub Rosa, et une ambient-techno dense et impressionniste aux textures dronesques, hantée par les intrigantes vocalises psyché de Pénélope sur le second, retour dans le giron de la passionnante écurie montréalaise Chez.Kito.Kat. Deux albums envoûtants, immersifs, hypnotiques qui font voyager jusqu’à en perdre pied de l’infini cosmique aux tréfonds du rêve et du subconscient, aussi sûrement que le plus hallucinatoire des psychotropes.


#22. Christophe Bailleau - Vertical Moon Phase Charm

Si cette première sortie du belge Christophe Bailleau sur l’excellent label Mahorka, omniprésent une fois de plus dans ce bilan, est officiellement la suite de l’onirique CHUVA ORBITAL : Armadillo Time paru quelques mois plus tôt chez Lotophagus (soit les deux premiers volets d’une trilogie d’inspiration électro-acoustique, approche particulièrement poussée ici sur un morceau tel que Trip Heritage démarrant sur une sérénade réverbérée à la guitare), c’est véritablement au sommet Shooting Stars Can Last (#3 ici) que Vertical Moon Phase Charm m’a semblé donner suite, pour la richesse et la diversité des atmosphère et des sonorités autant que des intervenants, l’album donnant lieu une nouvelle fois à diverses collaborations, du fidèle A Limb sur les fantasmagoriques et déstructurés 5 s.o.s. O dust et Vertical Landscape part I jusqu’à un autre habitué, Paradise Now, pour les mutations électro-folk du mystique Symp Mark III puis l’ambient féline de la douce conclusion Katpur, en passant par Stanley Christiaensen sur un Supradyne part II digne des rêveries futuristes de "Blade Runner" ou Innocent But Guilty sur l’austère et majestueux Spaceform II. On y retrouve également d’étranges incursions tribales d’une galaxie voisine (Contempt III, Supradyne part I), des sonorités plus industrielles (Lapinoux, avec Konejo) et autres arpeggiators un brin kosmische (Vertical Landscape part II) qui confèrent au disque ce même feeling d’album-somme et de labyrinthe sonique que le chef-d’oeuvre sus-nommé, dont il parvient presque à égaler l’ampleur métamorphe et ensorcelante.


#21. Papervehicle - Yellow House

"Exit le rétrofuturisme, les contrepieds baroques, la dimension folktronica mêlant acoustique et rythmiques glitchées... le soupçon de légèreté aussi s’en est allé, notre période d’anxiété n’y étant probablement pas pour rien. Au lieu de ça, ce nouvel album choral adossé à une colline parsemé de tombeaux et survolée par les corbeaux s’avère d’emblée plus minimaliste, plus grave et posé, à la croisée de la ballade plombée dont les cordes de guitare sèche vibrent d’un spleen à demi-éteint (Worry Crow, crtl-s) et d’un spoken word habité sur fond de nappes ambient solennelles évoquant la fuite du temps (Tempus Fugit) ou l’absurdité d’une apocalypse médiatisée (Letter to Scott 8.8.11), de la comptine débranchée aux percus approximatives (The Horse in This Movie) et d’un boom bap décharné au sampling funeste (Sock Talk) et aux instrus secs et hantés (No Mistakes). Et quand on y entend à nouveau un peu de douceur, elle est adressée aux enfants (For the Kids), dernière lueur d’espoir d’un monde au-delà de toute rédemption sur lequel se couche un soleil indifférent."

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#20. Wolf Windblade & John Sarastro - Windblade

"Si le flow assez versatile du MC, passant du spoken word à un rap enlevé, peut évoquer de loin Open Mike Eagle en plus grave voire légèrement rauque, son univers paraît nettement plus mystique, flirtant avec le rêve et autres allégories aux confins du courant de conscience et d’un storylling plutôt abcons aux références insaisissables. Quant aux beats de Sarastro, samplant tout ce qui passe, de vieilles BOs de films en soundtracks de jeux vidéo, ils font feu de tout bois sur ce Windblade aux atmosphères claires-obscures et droguées, tantôt du côté d’un abstract tendu et particulièrement évocateur à la manière de DJ Shadow ou plus récemment de Damu (spar play wordplay, Universal uptop headwind dislocation), des méditations à synthés mélancoliques et planants d’Ed Scissor & Lamplighter (Urbanear EGT 2021), des déstructurations rétrofuturistes de Mike Ladd (Silverfox Titan’s Vertigo Maneuvers), lui même invité sur Obsidian Lanes, ou d’un downtempo lofi et psyché aux ambiances de films de samouraïs façon Ichiban Hashface (Windblade’s tail, ou Lafayette’s trail et sa vibe à la Lalo Schifrin), entre deux incursions plus jazzy et tout aussi narcotiques (Hotmouf, Jing Cong Valyu)."

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#19. Colin Stetson - When we were that what wept for the sea

"When we were that what wept for the sea, en plus de retrouver l’essence d’un jazz libertaire et abstrait fortement influencé par les motifs et textures de la musique électronique, déroule ses improvisations extatiques sur pas moins de 16 titres d’une durée moyenne de 2 à 5 minutes aux sensibilités parfois presque pop, à l’image des couleurs et de la figuration libre aux thématiques exotiques de sa pochette. En témoignent les deux ballades interprétées par le chanteur irlandais Iarla Ó Lionáird, d’abord The Lighthouse III faisant la part belle au piano puis The Lighthouse V dont le spoken word introduit une superbe élégie pour piano, cornemuse, guitare, cordes et saxo à effets, mais aussi plus généralement la dimension étonnamment accessible et lumineuse de cet opus, des polyphonies arpégées du morceau-titre ou de Long before the sky would open au très doux et enivrant The surface and the light et autres morceaux sur lesquels les harmonies vocales éthérées de Stetson lui-même se font entendre, évoquant presque celles d’un Thom Yorke."

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#18. Illuha - Tobira

Pas d’inquiétude, il ne sera pas question ici d’une certaine garde des sceaux du gouvernement Valls mais bien du 5e long format (en comptant cette belle collaboration avec Ryuichi Sakamoto justement) du groupe Illuha, devenu trio avec l’arrivée en 2023 du batteur et percussionniste Tatsuhisa Yamamoto en renfort de Tomoyoshi Date aux piano et synthés et du multi-instrumentiste Corey Fuller (synthés modulaires, basse, piano, électronique etc), seul non-japonais mais tokyoïte d’adoption après avoir grandi dans la compagne nippone, et donc tout autant au fait de ce sentiment d’impermanence qui travaille l’ambient du projet, lequel culminait jusqu’ici en 2014 sur le mélancolique et impressionniste Akari. Avec Tobira, moins spleenétique mais probablement plus intrigant encore dès l’introductif Mukaemizu jouant brillamment avec l’espace et le silence, on est une nouvelle fois sur des morceaux dépassant souvent les 10 minutes, qui gagnent avec l’apport des rythmiques feutrées une dimension presque jazz et tout aussi évolutive rappelant sur Roji les Australiens de The Necks, le piano aidant, ou sur un Nijiriguchi aux basses rondes et hypnotiques le néo-krautrock d’un Oren Ambarchi, sans pour autant se départir de son aura scintillante et onirique aux fourmillements organiques (Monkou), les idiophones de l’opus précédent laissant place aux balais du batteur comme véritable source de textures sonores (Tsukubai).


#17. Buck 65 - Punk Rock B​-​Boy / Super Dope

"L’auteur des géniaux Vertex et Man Overboard renoue avec la virtuosité de ses plus belles heures sur le bien-nommé Super Dope qu’il assume seul à tous les niveaux, des productions au rap (sans aucun featuring, pas vraiment une surprise pour lui) en passant par les scratches et l’artwork. Autant dire que rien n’a changé depuis la grande époque d’Anticon, Endemik et compagnie si ce n’est un goût de plus en plus marqué, depuis le très bon Situation de 2007, pour une certaine esthétique old school (souvent par samples interposés, cf. Overthrow The Surface) qui n’empêche pas le beatmaker et rappeur au flow juvénile, en feu au micro d’un bout à l’autre du disque, de s’en donner à coeur joie dans le baroque assumé, des breaks libertaires aux samples vocaux délirants en passant par les cuivres funky omniprésents et les influences world ou électriques." Et quelques mois plus tard, le tout aussi foisonnant Punk Rock B​-​Boy vient entériner cette vitalité retrouvée, avec un accent sur l’atmosphère, la tension et les sonorités 70s dans l’esprit blaxploitation, un disque au moins à la hauteur du précédent, légèrement plus sombre peut-être, aux morceaux plus courts et souvent percutants, sans rapport en tout cas avec la compilation de chutes ou de faces-B que l’on pouvait s’imaginer au regard de la sortie rapide de cet opus.

< lire la chronique de Super Dope >


#16. 7F7F7F -

On reparlait d’Anatoly Grinberg en tête d’article, cette fois c’est au tour d’Abell Leonid aka Leonid Churilov, co-auteur du superbe The birth of a quantum lamb qu’on vous vantait précédemment ici, de s’inviter en solo dans le classement avec un tout nouveau projet, pour le même label bulgare Mahorka. Derrière cet alias cryptique et un titre d’album qui l’est encore plus, simple symbole en damier que l’on retrouve sur son étrange pochette aux allures d’écorce numérique dont la géométrie perdure jusque dans les "noms" des morceaux et leurs durées égales d’exactement 8 minutes, se cache une incursion du Biélorusse dans le harsh noise le plus abrasif et tempétueux qui soit, mais jamais agressif pour autant pour les tympans aguerris grâce à un travail minutieux de producteur et d’ingé-son. Un disque quoi qu’il en soit absolument magnétique et imposant, dont les bourrasques de crépitements hantées par d’inquiétantes interférences digitales évoquent pourquoi pas l’implosion prochaine de notre univers interpersonnel, de plus en plus désincarné, en poussières de 1 et de 0. À découvrir !

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