Sortie le vendredi 22 novembre 2024
1. DINORWIC
2. DOROTHEA’S BED
3. PHANTOM BRICKWORKS VI
4. SURAM
5. LLYN PERIS
6. PHANTOM BRICKWORKS VII
7. TEGID’S COURT
8. BROGRAVE
9. SPIDER BRIDGE
10. SYCHDER MCMLXXXIX
Depuis la sortie du médiocre Mind Bokeh en 2011, on sait que ça va être compliqué de suivre aveuglément Bibio. Rescapé à plusieurs reprises de nos shitlists de fin d’année pour services rendus (citons notamment l’affreux A Mineral Love d’où surnageaient comme souvent une paire d’instrus charmants, ou pire encore, BIB10 il y a deux ans), Stephen James Wilkinson avait pourtant laissé entrevoir dès 2009 avec Ambivalence Avenue, réédité cet été par Warp pour ses 15 ans, l’étrange dualité du projet : d’un côté cette électro-acoustique brumeuse et bucolique des débuts jusqu’au chef-d’oeuvre lo-fi Vignetting The Compost et à l’EP Ovals & Emeralds, flirtant avec l’ambient ou la folk psyché, et de l’autre cette tentation 70s romantique et funky, relevant quelque part de la même nostalgie mais plombée quant à elle par une bonne cuillerée de bling-bling sacchariné à la Bee Gees.
Le génie d’Ambivalence Avenue, album de la transition du label Mush Records vers Warp et de la systématisation d’un chant jusqu’alors plutôt rare et noyé sous les effets, avait été de faire cohabiter les deux grâce à un travail particulièrement organique sur les textures, une certaine qualité onirique prenant l’ascendant même sur les morceaux les plus funky et dynamiques. Par la suite malheureusement, une production de plus en plus claire allant de paire avec un songwriting en nette baisse d’inspiration allaient avoir raison de notre intérêt pour le Britannique et transformer son ambivalence en ambulance... sans pour autant l’empêcher de nous gratifier, ponctuellement du moins, de petits bijoux pastoraux et hors du temps, à l’image des très beaux Ribbons et The Green EP taillés pour les fans de José Gonzalez, de Sleep On The Wing, du deux-titres The Art Of Living en 2019 ou même du superbe Sunbursting ambient-jazz concluant l’an passé un EP homonyme par ailleurs tout à fait imbuvable, entre autotune et mièvrerie datée.
Bibio pas mort donc, et c’est plus que jamais ce que l’on se dit lorsque sort un Phantom Brickworks, le premier volet en 2017 avec ses longues rêveries ambient aux textures étouffées et aux pianotages poussiéreux nous ayant déjà fortement réconciliés avec le bonhomme, dans une veine encore plus cotonneuse et mélancolique qu’à ses premières heures. Sur sa suite parue ces jours-ci et toujours entièrement instrumentale, l’Anglais fait tout aussi bien sinon mieux sans changer grand chose au concept de l’opus précédent : 67 minutes d’harmonies éthérées jouées depuis les tréfonds d’une cave humide et vétuste (Dinorwic), de mélodies néoclassiques au piano érodées par le temps (Phantom Brickworks VI & VII, Spider Bridge), de nappes élégiaques (Llyn Peris) et de tranches de pure ambient hypnagogique et craquelante (Brograve, Sychder MCMLXXXIX) auxquelles s’ajoutent cette fois des choeurs méditatifs en écho du plus bel effet (Dorothea’s Bed, Tegid’s Court) et autres voix d’outre-monde aux motifs entêtants (Suram).
Le résultat, envoûtant et hanté par les réminiscences d’un passé qui peine à guérir, est à n’en pas douter l’une des plus belles réussites du musicien, comme on n’en espérait plus vraiment après BIB10. Comme quoi, les fantômes ne sont pas toujours les invités les plus malvenus...