Jamais deux sans trois... la tentation était trop forte de continuer à pourfendre le consensus mou des confrères, quitte à devoir glisser dans le lot deux ou trois putasseries bien senties que nos lecteurs fidèles n’auraient jamais eu l’idée d’aller écouter, et en temps normal nous non plus. Moins surmédiatisés chez nous que les victimes de la part 1 mais définitivement plus mainstream que celles de la part 2, nos souffre-douleurs du jour viennent avant tout rappeler que les blogs faussement branchouillards et cyniquement conformistes d’outre-Atlantique, bien imités ceci dit par nos paraphraseurs nationaux de dossiers de presse, restent les premiers et plus délirants pourvoyeurs d’escroqueries motivées par la recherche de la tendance tiédasse et par l’appât du clic.




- Amaarae - Black Star (Interscope, 9/08)

Sorte d’ersatz ghanéenne-américaine de notre Aya Nakamura nationale en légèrement moins vulgaire, encore une imposture afro-pop-r’n’b aux relents hyperpop inexplicablement prise au sérieux par des gratte-papiers prépubères aux oreilles en carton, prompts à fantasmer 50 nuances rythmiques dans ce melting-pot de sous-genres d’un ennui binaire intersidéral. S’il suffisait d’une bonne raison de ne pas confondre afrobeat et afrobeatS, Black Star serait celle-là, ignoble purge vocodée débordant de bêtise hédoniste et de beats électro-tribaux conçus pour dandiner son boule transpirant dans un futal en cuir devant un drapeau ghanéen - au fait, le nationalisme à gros sabots, c’est puant aussi quand c’est africain ? PS : la présence de Naomi Campbell en feat. résume à elle seule la teneur de l’album.



- Blood Orange - Essex Honey (RCA/Domino, 29/08)

Qu’elle est loin l’indie pop échevelée de Lightspeed Champion (qu’on n’aurait aucune envie de réécouter en 2025 ceci dit), désormais Devonté Hynes est un éleveur de championnes, produisant à la chaîne pour des "artistes" (hum) aussi imbittables que Solange Knowles, FKA twigs, Kylie Minogue ou encore la revenante Mariah Carey (attention, les fêtes approchent et vous savez ce que vous ne voulez plus jamais entendre à Noël mais elle n’en a rien à carrer). Autant dire qu’on était prévenu du degré de tiédeur insipide auquel on s’exposait en écoutant ce nouveau Blood Orange, et en effet, entre mélodies aseptisées et vocalises lénifiantes des invités parmi lesquels Caroline Polachek, Lorde, Eva Tolkin, Brendan Yates de Turnstile ou même la pauvre Tirzah qui n’avait vraiment rien à faire dans l’histoire, ça n’a pas loupé. On nous annonce dans l’oreillette un suicide collectif de la dream-pop, de la new wave, du rn’b 80s et du jazz d’ascenseur dans leur tiroir à étiquettes.



- Che - REST IN BASS (10K Projects, 18/07)

À ne surtout pas confondre avec l’excellente Che Noir (mais honnêtement, comment le pourrait-on avec des oreilles en état de marche ?), Che donne dans un southern rap baragouiné et salopé à l’autotune sur fond de distos lo-fi mal torchées, un truc d’amateur en roue libre répétitif à en gerber sur le tapis (c’est d’ailleurs ce que ce pseudo MC s’échine à faire tout au long de l’album), absolument inécoutable à moins d’avoir fumé un tarpé de la taille de ton avant-bras - et SI, on vous assure, ça a la cote de l’autre côté de l’Atlantique, pas merci Pitchfork, l’autre hipster chauve à lunettes, moustache de 10 jours et chemise à carreau sur Youtube dont le nom ressemble à la drogue qu’il doit s’injecter du matin au soir pour débiter autant de conneries à la minute, et toute la cohorte des "prescripteurs" putacliquistes au goût très sûr d’huître avariée de la blogosphère US.



- No Joy - Bugland (Sonic Cathedral, 8/08)

No Joy, au début, c’était plus ou moins du shoegaze, dans une veine à la fois rêche et vaporeuse comme on aime, voire ici et là joliment dissonante. Puis vint l’EP avec Sonic Boom chez Joyful Noise dont on avait même dit du bien par ici, légèrement plus électronique et même presque dansant mais suffisamment dense et hypnotique dans ses atmosphères psyché pour emporter l’adhésion. En 2025 par contre, No Joy c’est devenu de l’indie rock de stade aux textures de guitares vaguement abrasives et aux beats et batteries lourdement mixés au premier plan, qui singe mal Slowdive en versant dans des vocalises sirupeuses de pub pour produits laitiers. Toutes les bonnes choses ont une fin, même à Montréal - et surtout quand on troque son envie d’en découdre contre un besoin impérieux de faire parler de soi et de faire du pognon.



- Nourished By Time - The Passionate Ones (XL Recordings, 22/08)

Comment, vous n’aviez jamais entendu parler de ce tâcheron ricain originaire de Baltimore ? Cherchez pas, c’est normal, ça n’est que cette année que le bonhomme a commencé à devenir viral suite à sa signature l’an passé chez XL, qui n’a décidément plus rien d’un label mais sent plutôt l’usine à nostalgie lyophilisée. En l’occurrence, on se croirait sur une radio 90s à écouter de la synth-pop-r’n’bite d’une platitude absolument désarmante. C’est bien beau de citer les Pixies, Guided By Voices (pour le nom, semble-t-il), Cibo Matto ou les sempiternels Joy Division comme influences en interview, quand on devrait se contenter de PM Dawn revu et corrigé par Janet Jackson, mais comme d’hab ça a l’air de marcher sur les hipsters crédules élevés aux algos pour qui "indie pop" rime désormais avec Frank Ocean ou Taylor Swift.



- Soulwax - All Systems Are Lying (DEEWEE, 17/10)

À l’écoute de de 5e véritable album studio des Belges, on se dit qu’ils auraient décidément mieux fait de garder bien séparés la facette électrique de Soulwax et leurs mashups d’Avalanches ou de Girl Talk du pauvre pensés pour faire danser les mecs bourrés en festival (c’est bon y a prescription ?... on a le droit de dire que 2 Many DJ’s c’était déjà nullache en 2002 ?). Comme pour leur BO de Belgica il y a quelques années, tout n’est pourtant pas à jeter sur All Systems Are Lying, Idiots In Love et Hot Like Sahara flirtant même avec les hymnes électro-rock saturés dAny Minute Now toutes proportions gardées, mais la dérive disco-pop commerciale du groupe saute plus que jamais aux oreilles ici, avec au programme quelques belles purges radiophoniques (cf. Gimme A Reason). De loin le moins mauvais disque de cette ultime sélection mais il était temps que ça s’arrête, le masochisme a ses limites.

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