L’automne, saison de l’ambient ? Toute considération d’humeur mise à part, il se pourrait bien que le calendrier des sorties d’octobre nous donne raison - sachant que l’on reviendra aussi prochainement sur le merveilleux Aeropsia publié ces jours-ci par l’Américain Steve Hauschildt de feu Emeralds. En attendant, embarquez avec nous pour cette sélection qui va vous faire voyager loin - et surtout très haut dans la stratosphère du genre.
Forest Dweller - Forever Elusive (Peak, 3/10)
Sous l’identité Forest Dweller on retrouve Julien Demoulin, Français basé à Bruxelles qui du post-rock/slowcore ouaté de Silencio à l’étrange et foisonnant Entre Chien et Loup avec Frédéric Dufourd (l’un de nos coups de coeur de 2022, cf. en bas de page ici) alimente régulièrement nos colonnes depuis une quinzaine d’années maintenant. Articulé autour de mélodies cristallines aux sonorités de rêve éveillé rehaussées ici et là de nappes majestueuses, Forever Elusive est une véritable féérie ambient, convoquant la magie intangible des contes de notre enfance et cet état proche de la somnolence où commençaient à prendre vie les histoires de chevet racontées par nos parents à la nuit tombée.
K⏣LYDER - Those Bridges You Can Only Cross On Your Own (Autoproduction, 3/10)
On avait laissé ƘɸƴԼ sur le glitch-hop sombre et aérien de son projet The Arkanist, le revoici sous l’alias ambient K⏣LYDER dont les premiers travaux remontent à 2020 et dont les productions opaques et vaporeuses sont émaillées ici de coeurs éthérés et d’arrangements de cordes (guitare lap steel et dobro) harmonieusement intégrés à l’ensemble. Sur Those Bridges You Can Only Cross On Your Own, les nappes sonores du Lillois gagnent à la fois en clarté et en densité, lorgnant sur la tension constante du drone (The path of least resistance only leads to dead ends, I will be-coming home) dans le fascinant clair-obscur de longues compos immersives.
Philippe Neau - nuages - (d)outes EP (An Eclectic Collection Of Dust, 24/10)
On est désormais familier du goût de Philippe Neau pour un dark ambient à base de murmures intrigants et de field recordings marécageux sculptés comme les textures d’une peinture abstraite. Sur ce nouvel EP, le Mayennais inclut ici de discrets gimmicks dub (nua) ou là d’inquiétants idiophones cristallins (do), cheminant peu à peu vers les limbes fantomatiques du doute qui culminent sur l’épuré U puis le magnétique tes sous-tendu sur la fin de cordes dissonantes dans le lointain. Excellent cru !
Jon Porras - Achlys (Shelter Press, 24/10)
Trois ans après le joliment cotonneux mais un brin léthargique Arroyo au feeling presque modern classical, l’ex Barn Owl se recentre sur une ambient à guitare électrique à la fois délicate et saturée, ravivant nettement notre intérêt sur cet Achlys certes feutré et lent à se déployer, mais superbement contrasté dans ses affleurements abrasifs évoquant entre autres les premiers opus de Rafael Anton Irisarri, des soundscapes qu’irrigue sans avoir l’air d’y toucher une profonde mélancolie.
Seabuckthorn - A Path Within A Path (Laaps, 3/10)
La sortie d’un nouveau Seabuckthorn est toujours un petit évènement, et le label breton Laaps fait désormais partie, au même titre que Lost Tribe Sound ou Whitelabrecs, des structures d’élection du Britannique dont on a suivi avec passion au fil des années l’évolution de l’American primitive guitar à une ambient élégiaque plus abstraite aux cordes frottées. Faisant la part belle au violoncelle, au saz (un luth à manche long du Moyen-Orient) et aux séquences de batterie et percus programmées, entre autres arrangements variés (cuivres, harpe ou vibraphone), A Path Within A Path s’impose d’emblée comme l’un des sommets mystiques et capiteux de la discographie d’Andy Cartwright, tutoyant le souffle cinématographique et primal de l’ancien compère de label William Ryan Fritch qu’il côtoya longtemps au catalogue de Lost Tribe Sound.
VSSP - The Unnamed (Form@ Records, 15/10)
Repéré l’an dernier dans nos pages à l’occasion de la sortie de l’onirique Over the sun aux synthscapes scintillants et délicats, le Bordelais VSSP reprend ici les choses là où Horizon set les avait laissées en 2023, étoffant ses nappes analogiques éthérées de beats plus ou moins minimalistes à la croisée de l’électronica et de l’ambient-techno. Les distos aussi se font plus présentes sur The Unnamed (cf. le morceau-titre, Ghosts, Violet Sunrise ou encore les émouvants Immensities et Pegasus dénués de toute rythmique), donnant à ce nouvel opus une atmosphère de déréliction rétrofuturiste, le sentiment, quelque part, d’explorer un futur fantasmé par la science-fiction des années 70-80 mais perdu à jamais dans les limbes du temps et condamné à péricliter peu à peu dans nos imaginaires formatés. Une réussite !