1. Dawn
2. A Union of Palms
3. Hidden Structures in the Park
4. Father Compass
5. The Ghosts of the Conneaut Lake
6. Bowl of Honeydew
7. Bowl of Cantaloupe
8. Through the Woods
9. Surveyor
10. Directions

Sortie le vendredi 9 novembre 2018

Après le psychédélisme baroque et hypnotique de sa superbe beat tape Visual Art qui avait contribué à en faire l’un de nos artistes incontournables de 2017, les charmes plus lo-fi de Mount St. Helens, mini-album sorti en mai dernier, et quelques collections plus ou moins sous-produites de travaux plus anciens (en solo ou avec son compère Brandt Dykstra sous le nom The Station Signal, cf. aussi ), Steven Miller renoue avec l’ambition introspective et les sonorités jazzy de Young Man, son précédent opus pour Already Dead Tapes, sur ce nouvel album d’une luxuriance musicale définitivement peu commune dans le hip-hop.

Entre lyrisme cinématographique, crescendo martial et anxiété free jazz, l’instru Dawn en intro donne le ton, et la suite hisse le cratedigging atypique d’Unsung au rang d’art de l’enluminure, brassant grooves exotiques, poudroiements oniriques et cordes surannées (le venteux Through the Woods, qui pourrait être la suite de ce bijou lynchien offert au volume 9 de notre compil IRMxTP l’an passé), méditations asiatisantes et bourdons entêtants (l’irrésistible Bowl of Honeydew) ou encore sérénades insulaires et chillwave narcotique (Directions).

En guise de fil d’Ariane, hormis le flow clair et résolu qu’on lui connaît, une voix robotisée évoquant le Fitter Happier de Radiohead - un trailer rythmé par la mélodie de No Surprises avait d’ailleurs annoncé la sortie de l’album il y a quelques semaines - fait son apparition à deux ou trois reprises, tandis que le storytelling de l’Américain déploie une multiplicité d’échelles où les petites histoires côtoient grands questionnements et menues confusions d’un quotidien aliénant, récit d’une journée comme les autres (ou pas ?) dont les sinuosités président aux constantes mutations des compos, souvent au sein d’un même morceau.

Un spleen de soundtrack romantique aux arrangements rétro laisse ainsi place à un futurisme plus nébuleux sur A Union of Palms, alors que le boom bap de Hidden Structures in the Park se mue peu à peu en downtempo jazzy et capiteux, le chant féminin susurré aidant comme sur le superbe Father Compass, errance mélancolique à la lumière des réverbères dont l’atmosphère de film noir marqué par la fatalité se teinte de beats concassés, de basse féline et de chœurs éthérés, ou plus loin le carrousel triste et névrosé de Bowl of Cantaloupe.


Quant à l’étrange rêverie bucolique qui ouvre The Ghosts of the Conneaut Lake, elle se poursuit plus loin au piano au son des chants d’oiseaux tropicaux d’un Surveyor qui vire rapidement à la catharsis vocale sur fond de beats minimalistes et de distorsions chamaniques. Est-on ici-bas pour s’interroger, vivre dans l’instant, aspirer à autre chose, voir plus grand, suivre le mouvement, penser par soi-même et en souffrir plutôt qu’en tirer un quelconque réconfort, laisser le sommeil de la raison et l’engourdissement des émotions nous porter du berceau au tombeau, vivre intensément et avec passion quitte à s’en brûler les ailerons... un peu tout ça ? An Interior History est peut-être bien le petit traité de philosophie musicale qui aidera un jour Steven Miller à trouver sa propre réponse à ce bouillonnement sub-crânien.

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