Sortie le vendredi 5 avril 2019
1. Psychic Sobriety
2. God Lived As A Devil Dog
3. Sisyphus
4. Red Moon
5. Hate Fantasy
6. Latex Sun (for Una)
Pour ceux qui découvrent Foie Gras via ce nouvel EP nettement plus avenant que ses précédentes réalisations dans un contexte de revival 80s permanent, on commencera par justifier notre relatif étonnement d’admirateurs de la première heure avec un exemple, pas si lointain puisque sans remonter à ses sorties les plus dronesques (à l’image de celle-ci), c’est à l’EP Bate Kush d’il y a 4 ans que l’on fait référence. Derrière le clin d’œil à la star des années 80, la Californienne y livrait en effet une collection de miniatures rêches et lo-fi, de chansons fantomatiques et déglinguées au rang desquelles God Lived As A Devil Dog, plein d’effets reverse et de riffs cradingues qui laissent place aujourd’hui à des harmonies vocales travaillées sur fond de beats synth-pop léchés sur une nouvelle version gothique et sensuelle pas loin de faire du pied aux fans de Zola Jesus ou Fever Ray.
Artwork d’icône post-60s volontiers sexualisée, production de studio sombre mais soignée, Foie Gras cuvée 2019 serait-elle donc aseptisée ? Ce serait bien mal connaître Iphigenia Rose Lee, dont le pseudo d’Iphigenia Douleur il y a quelques années était tout sauf fortuit. Dès le morceau d’intro Psychic Sobriety, et son clip où l’intéressée n’en finit plus de dézinguer accidentellement son partenaire d’un soir à coups de banane (?!) ou de parfum létal, le ton est donné : "choke me until you love me", "i’m a bad lay but i want you anyway"... le mal-être a beau se doubler désormais de beats EBM et de gimmicks de synthés new wave, c’est dans le malaise d’une fausse candeur lynchienne (cf. le final Latex Sun et son atmosphère de rêverie 50s à la Twin Peaks) que s’expriment désormais les tourments existentiels de la musicienne, dont la prise de confiance au chant permet aux mélodies vocales de devenir le véhicule privilégié d’une mélancolie aussi troublante qu’addictive.
D’un amour toujours immodéré pour Chelsea Wolfe avec laquelle elle rivalise d’intensité ténébreuse et tribale sur un Red Moon déjà connu des habitués de son Bandcamp (et pour le coup nettement moins aguicheur avec son background d’électricité glauque et crépitante à foison) au goth-rock larsenisant du belliqueux Hate Fantasy en passant par un Sisyphus très dark wave aux rythmiques binaires mais aux irrésistibles refrains de lumière noire à la Siouxsie, Holy Hell s’avère finalement moins pop que plombé, faussement hédoniste et vraiment hanté, un pas vers le succès indé assurément (on ne peut que le lui souhaiter !) sans pour autant renier les racines d’un désarroi émotionnel lancinant.