Sortie le vendredi 24 février 2023
1. Signal
2. Forming
3. Imprinting
4. Bloodstream
On ne "change" pas une non-formule qui gagne et qui de toute façon a fait de son caractère résolument mouvant l’essence même de son univers depuis plus de 30 ans : pour leur 22e album studio à en croire Discogs, les Australiens emmenés par le pianiste Chris Abrahams (dont on relaie régulièrement les sorties solo chez Room40, dernière en date ici) explorent à nouveau un "post-jazz" hypnotique et métamorphe, sur un format similaire à celui d’Unfold en 2017 ou de Three 3 ans plus tard, soit quatre longs serpentins d’environ 20 minutes chacun.
C’est toutefois à mi-chemin des deux opus sus-mentionnés, plus ouvertement (free) jazz, et de la mouvance plus sombre et tendue, entre krautrock, darkjazz et soundtrack imaginaire, d’un Vertigo ou d’un Body qui perpétuaient il y a quelques années le goût du trio pour les progressions sur des plages uniques d’une durée de 45 à 70 minutes, que Travel déroule ses deux premiers instrumentaux magnétiques, grands flux ininterrompus où la section rythmique du batteur Tony Buck et de Lloyd Swanton à la contrebasse joue d’une répétition subtilement évolutive tandis que le piano tisse des motifs à la fois mélodiques et libertaires, amenant l’auditeur à une forme de transe presque mystique comment souvent avec la musique de ces improvisateurs d’exception.
Une dimension mystique qui prend justement le dessus au gré des percussions du génial Imprinting, troisième titre beaucoup plus ambient et délicatement dissonant dont les envoûtantes circonvolutions aux claviers ne sont pas sans évoquer Tortoise d’un côté et la scène jazz expérimentale norvégienne de l’autre. Enfin, avec Bloodstream, crescendo solennel dont l’orgue halluciné et les roulements de batterie martiaux dialoguent avec un piano plus serein, la musique de The Necks renoue avec le sentiment d’éternité de ses plus grands moments. Un final idéal pour cet opus qui ne manque pas d’envergure, nouveau chef-d’oeuvre aussi viscéral qu’exigeant.