Une sélection ouvertement borderline lorgnant sur tout ce qui peut permettre à la techno de demeurer pertinente et intéressante aujourd’hui : circonvolutions electronica, brassages dub, jazz ou néoclassiques, textures ambient crépusculaires et autres tendances harsh ou bruitistes.




- Autotel - Love Story EP (EC Underground, 6/12)

Pour son premier court format, le Chilien Autotel a choisi l’excellente structure électronique floridienne EC Underground. Au programme de ce Love Story mastérisé par notre virtuose de l’IDM Frank Riggio et déjà en écoute intégrale sur Bandcamp trois semaines avant sa sortie officielle, de belles vibes atypiques entre dub-ambient aux mélodies impressionnistes (Basement Chill), motorik/kosmische musik fébrile et hypnotique (Barato), classical ambient aux élans lumineux (Gotto Midi) et incursions jazzy sur lit de drums déstructurés. Et la techno dans tout ça ? Eh bien on la retrouve, discrète, dans les interstices de ces métissages aussi libertaires qu’abstraits à l’image des vagues entremêlées de la cover, et plus particulièrement sur Saike, capable d’évoquer le versant électronique de Tortoise avec son piano/guitare à la fois méditatif, solennel et décontracté. Un petit chef-doeuvre d’EP.



- DYL & Senking - Diving Saucer Attack (Karaoke Kalk, 27/09)

Rescapé des grandes heures de feu Raster-Noton (devenu raster désormais), l’Allemand Jens Massel renoue avec son label des débuts, Karaoke Kalk, qui l’hébergeait déjà à la fin des années 90, et s’associe au Roumain Eduard Costea aka DYL pour nous gratifier d’un mini-album à la hauteur de nos attentes, où un downtempo cinématographique infusé au dub du côté obscur (Six Doors Down) croise sound design percussif (2024), IDM éthérée (a7r380R), dark ambient (Not Just Numbers) et même une sorte de post-rock électronique des plus inspirés (Diving Saucer Attack). Là encore, les racines dub-techno de l’auteur de Pong se font donc secondaires mais reparaissent en fin de disque sur l’hypnagogique Astral Projection, peut-être bien le sommet du disque sans avoir l’air d’y toucher.



- The Black Dog - Other, Like Me (Dust Science Recordings, 7/06)

On a déjà un peu parlé de The Black Dog cette année et ça n’est sans doute pas fini, à en juger par le superbe Sleep Deprivation que vient de lâcher le trio britannique, dans une veine ambient enchanteresse aux textures vaporeuses enluminées d’orchestrations feutrées, et par la sortie imminente de son EP "compagnon" Dreamless Sleep. Partagé au mois de juin, Other, Like Me avait pris la direction opposée à l’image de son addendum l’EP Isolation, celle d’une techno minimale plus rampante/insidieuse (Just Pretend To Be Someone Else, Boy On A Swing) voir rugueuse (In A Place Like This, Mark Up) aux atmosphères en clair-obscur et aux morceaux fondus les uns dans les autres, une direction que le groupe, duquel émergèrent dans les années 90 les futurs Plaid, maitrise tout aussi bien que la mélodicité opalescente chère à ses anciens membres, comme en témoignent quelques morceaux plus ambient (4Real) ou cristallins (Closed Eyes). Mention toute particulière au superbe et très impressionniste Methodology #17, qui n’est pas sans évoquer Gas.



- Solipsism - Chop Shop Etiquette (Mighty Force, 26/07)

Seconde réalisation de l’Écossais Craig Murphy cette année après In A Not So Distant Future et son ambient à synthés évanescente aux allures de voyage dans la ionosphère, Chop Shop Etiquette en prend partiellement le contrepied, orchestrant entre deux réminiscences éthérées (The Wishful Thinker, Shadows On The Horizon) un retour en douceur puis en force des rythmiques, tour à tour indolentes et glitchées (Breeze), midtempo et syncopées (Chop Shop Etiquette, auréolé d’une bonne dose de psychédélisme), ambient-techno aux beats bien balancés (Sunrise At The Sonic Frontier) puis plus ouvertement techno. Un 4x4 tantôt moody (Solar Smoker, Volatio Solo) ou presque radical (Wet Work) mais souvent doublé d’une attention toute particulière aux nappes oniriques (Psychedelic Love Commando) et aux mélodies aériennes (Box Of Delights), parfait grand écart entre le ciel couvert de Glasgow et la luminosité de l’Espagne où réside désormais le musicien, patron par ailleurs du label Herb Recordings.



- Zegyl - Illusory (trau-ma, 8/11)

Extrêmement prolifique, le label portugais trau-ma devrait ravir les amateurs de rouleaux-compresseurs hard techno flirtant avec la trance. Dans le cas de Zegyl cependant, Néerlandais dont le premier EP Shifter était sorti en tout début d’année, les textures fuligineuses et saturées typiques d’une dark techno à la Stroboscopic Artefacts (l’écurie berlinoise de l’Italien Lucy, toujours active bien que plus discrète depouis le début de la décennie) sont de la partie, conjuguées à des patterns rythmiques subtilement mouvants pour donner corps à 4 longs instrus faussement répétitifs et vraiment immersifs par-delà leur dynamique sans concession.



- PRCA - The Dark Web Is Inside Us (Ohm Resistance, 1/08)

On termine sur la sortie la plus bruyante de cette sélection, typique du label Ohm Resistance dont le patron Kurt Gluck (Submerged) est lui-même aux manettes. Entouré d’une paire de collaborateurs (Anne Meiere et Kārlis Logins), il imagine ici sous le nom PRCA un concept-album narratif plutôt réjouissant où une équipe d’assassins du futur remonte le temps pour débarrasser la planète de Vladimir Poutine. En résulte sans surprise un album belliqueux de technoise/trance sursaturée aux instrus un peu inégaux et parfois trop longs (cf. le final Aim For The King, Kill The King de presque... 34 minutes) mais tout de même très impressionant en termes d’atmosphère de fin des temps (cf. Why Are We Dying ?), taillé pour les nostalgiques des rave parties du côté obscur d’où le producteur de drum’n’bass new-yorkais actif depuis un quart de siècle tire une part non négligeable de son inspiration, mais trop urgent et enfiévré pour se complaire dans le passé.

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