Sortie le vendredi 11 avril 2025

1. Nine Secret Crossings to the Eternal Repetitions of Existence
2. The Pentacle of Albucius
3. A Tear in Time

4 ans très exactement après la sortie de l’album Chaos Magick signé John Zorn où sévissaient déjà les mêmes musiciens - soit Brian Marsella (Fender Rhodes) et le trio Simulacrum entre heavy metal et jazz déglingué, composé de Matt Hollenberg (guitare), John Medeski (orgue) et Kenny Grohowski (batterie et percussions), tous fidèles collaborateurs du compositeur et saxophoniste new-yorkais -, le quatuor d’instrumentistes s’émancipe en apparence avec Through The Looking Glass, 6e opus qui voit enfin ce nom, inspiré d’une pratique ésotérique, devenir officiellement celui du projet, sans pour autant que le patron du label Tzadik ne lâche les rênes puisque les compos sont toujours les siennes.

Autre changement mais instauré cette fois par le décevant et pas très consistant Parrhesiastes, leur 5e LP publié en 2023 : aux 8 à 10 titres de format relativement classique des 4 premiers enregistrements succède à nouveau ici une triplette de morceaux seulement, d’une durée allant de 7 à 18 minutes. De quoi permettre à Zorn et à ses interprètes de s’en donner à coeur joie dans le contrepied, au risque de verser parfois encore plus ouvertement dans cette "démonstration" qui fait en quelque sorte partie de l’ADN du projet. Ainsi, à son meilleur, Chaos Magick peut s’avérer à la fois enchanteur, ludique et brillant, c’est le cas sur le gros morceau de l’album, qui ouvre les hostilités : un Nine Secret Crossings to the Eternal Repetitions of Existence émulant tout d’abord la mystique jazz immersive du Gnostic Trio et son easy listening clair-obscur avant de mettre les bouts à partir de 4 minutes, enchaînant les mutations improbables, d’un jazz-rock sonnant très 70s par l’utilisation du Rhodes aux multiples breaks dissonants et déstructurés en passant par un groove funky en diable, pour mieux renouer par intermittence avec ce cérémonial feutré emmené par l’orgue vintage de Medeski, évocateur d’un occultisme bon enfant, puis en terminer sur une cavalcade en roue libre au dynamisme électrique et barré. Le genre de trip en somme qui vaut au quatuor sa réputation de groupe plus fou encore que leur aïeul zornien Electric Masada.

La virtuosité du petit ensemble - dont Le Crapaud nous avait dit tout le bien qu’il pensait du 3e opus Multiplicities : A Repository of Non-Existent Object en 2022 - fait également merveille sur The Pentacle of Albucius, serpentin cristallin aux multiples changements d’humeur et de tempo mais dans l’ensemble beaucoup plus homogène et délicat, dans la grande tradition des sorties jazz 2010s à la fois légères et intrigantes du fondateur de Painkiller (dont on vous parlera du nouvel album bientôt, leur 2e en trois mois après 30 ans d’inactivité discographique, pas loin d’égaler l’immense Samsara de novembre dernier). En revanche, si l’abandon de la dimension heavy metal aux riffs gras qui émaillait le projet à ses début n’est pas pour me déplaire, les incursions jazz-funk de backing band pour talk-show à l’Américaine ne m’emballent pas davantage, cf. ici la première partie du final A Tear in Time qui finit heureusement par temporiser pour accoucher d’une jolie conclusion onirique, aussi mystérieuse qu’intimiste.

L’album "à boire et à manger" par excellence, où chacun prendra ce qu’il souhaite au risque d’être hérissé par le reste.



( RabbitInYourHeadlights )

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