Alors que le revival post-punk anglais tend à s’essouffler tout en tombant dans la suffisance à l’image des agaçants Bloc Party et de leur dernier single boursouflé, la bouée de sauvetage qu’attendent les amateurs de dance rock efficace, sans prétention et capable de regarder plus loin que son petit nombril viendra peut-être bien de l’hexagone, avec pour commencer ces mystérieux Senators In Bondage dont le premier EP paru en juillet dernier (lire notre chronique) sent bon l’héritage des Stooges et de Devo comme celui des Pixies et de Sonic Youth. Une bonne occasion de lever un peu le voile avec Julien, bassiste et chanteur du groupe.

Indie Rock Mag : "France" et "2007", ça vous évoque quoi ?

Julien : Essentiellement un triste soir de mai. Intensément original, n’est-ce pas ?
A part ça, il y a eu la non-mort de Jean-Pierre Léaud, survenue pendant l’enregistrement de notre disque. Nous avons cru à sa disparition pendant quelques jours, l’annonçant même solennellement à l’ingé son alors que ça n’était pas vrai. On a beaucoup souffert. Et pour rien en plus.

Indie Rock Mag : Sur un plan plus personnel, qu’a représenté cette année pour vous ?

Julien : C’est la première année pleine de l’histoire du groupe. D’où, cinq fois plus de concerts qu’en 2006, un premier enregistrement (un EP de très grande qualité, pas cher en plus), une première date hors de Paris (en terre alsacienne), des progrès phénoménaux des uns et des autres dans le port des lunettes de soleil oversize en conditions de sous-éclairage ("suuuuuunglasses after daaaark !"), une affirmation claire de notre ligne politique (dure)… Entre autres.
Des rencontres avec quelques groupes merveilleux, aussi, notamment les Strasbourgeois de Crocodiles et les Parisiens de KiT que nous aimons très fort, avec qui nous rejouerons, et que nous demanderons en mariage dès que la loi le permettra.
On n’oubliera pas non plus que c’est une année que nous avions débutée en quatuor mixte, et que nous terminons en formation boys, boys, boys.

Indie Rock Mag : Pouvez-vous nous parler brièvement de vos trois albums et/ou de vos trois singles préférés de l’année ?

Julien : Brièvement ? Sûr ? Bon…
Tablons sur cinq chefs-d’œuvre de 2007, réalisés respectivement par : Of Montreal, The Field, Map Of Africa, Animal Collective et Jacob Golden.
Le premier pour sa puissance à incarner une écriture extrêmement personnelle en un alliage supra bien produit de chœurs à la Beach Boys, de morceaux marathons tendance krautrock et de sonorités presque kitsch qui assurent la légèreté très pop de l’ensemble. Bouleversant et ultra-contemporain.
Le second parce qu’il paraît que l’année fut over-électro, et que dans le genre, tout le monde pourra essayer de faire mieux, ce disque paraît insurpassable pour un moment. C’est minimal, uniquement façonné à base de micro-samples en boucles obsédantes et cela joue magnifiquement des ruptures et répétitions. On passe l’écoute de l’album à se demander ce qui peut bien se passer dans la tête du type derrière ce disque.
Le troisième est assez éblouissant par la maîtrise de songwriting et d’arrangement que démontre sur son premier album en groupe le DJ anglais Harvey - qui est, je crois, une espèce de star underground aux Etats-Unis où il est coincé pour une question de visa. C’est très fin, très beau, diablement intelligent et remarquablement varié dans son oscillation entre pures rock-songs énergiques et plages presque cosmic-rock.
On peut n’avoir toujours pas digéré le quatrième qui, du coup, se passe de commentaires. Non ?
Enfin, le dernier est l’œuvre d’un jeune garçon dont on ne sait quasi rien, sinon que son dernier album, sorti par Rough Trade, est l’un des meilleurs disques de pop post-Big Star entendu depuis les dB’s. Pas moins.
De bonnes grosses baffes live bien méritées également, en compagnie de MSTRKRFT, Electric Soft Parade, Klaxons, The Black Lips, Gossip
Sinon, on aime toujours beaucoup Sonic Youth.

Indie Rock Mag : Côté français, un artiste ou un groupe qui vous inspire plus particulièrement ?

Julien : Les Dogs et Marquis de Sade. Sauf qu’en terme d’activité ces jours-ci, euh, bon…
A Paris, on admire tout particulièrement deux groupes pour leur puissance et leur intelligence déployées sur scène, The Love Bandits et Sheraff. Ils sont si forts que c’en est dégueulasse. Oui, dé-gueu-lasse.

Indie Rock Mag : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le morceau que vous avez choisi pour la compil’ ?

Julien : Son titre est SB8, ce qui en fait le huitième morceau que nous avons composé - aujourd’hui nous en sommes à SB19, sans compter quelques reprises foireuses. Il s’inscrit plutôt pas mal dans une veine du post-punk qui nous plaît énormément, il entreprend de percer le sens de la vie (à tâtons, hein), il figure sur notre EP, et nous l’aimons d’amour.

Indie Rock Mag : Quelques mots également sur vos projets pour 2008 ?

Julien : Enregistrer à nouveau, parce que notre premier passage en studio fut un bonheur total et que nos nouveaux morceaux sont merveilleux. Tourner plus, et mieux, aussi. A terme, dominer la planète.
Nous nous réservons toutefois la possibilité de repousser tout cela à 2009, par stricte fainéantise.


Le dessin qui illustre cette interview est signé Elias, batteur et chanteur de Senators In Bondage, et tiré de son blog.

Beautiful Gas Mask In A Phone